Pas sage comme une image

Pas sage comme une image

De quoi sont les images faites ? : encore une analyse sur ce qui est décomposé et qui décompose quoi ? Sur qui manipule qui et qui manipule quoi ? Pas vraiment. L’expo proposée par Vidéochroniques met l’accent sur l’enjeu des interrogations plus que sur d’éventuelles réponses. Propositions…

De quoi sont les images faites ? : encore une analyse sur ce qui est décomposé et qui décompose quoi ? Sur qui manipule qui et qui manipule quoi ? Pas vraiment. L’expo proposée par Vidéochroniques met l’accent sur l’enjeu des interrogations plus que sur d’éventuelles réponses. Propositions.

Ça commence dans la pénombre d’une salle de ciné : douce ironie pour une exposition, exposition sur les images. Une entrée en matière qui aurait pu nous faire craindre la référence systématique à l’écran, celui de la fausse télé ou de la fausse réalité, mais ici, pas question de manipulation, si ce n’est plastique.
L’installation vidéo de Cyrille C. de Laleu donne le ton, en offrant une nouvelle dimension, notamment spatiale, aux images. Avec pour matériau de base le plan fixe d’un paysage, décomposé puis recomposé — procédé minimum d’analyse oblige — pour être projeté de chaque côté de ce qui devient plus qu’un écran : un mur analogique. L’intelligence de cette installation est de jouer sur l’ambiguïté entre platitude et tridimensionnalité de l’image, d’exploiter son potentiel plastique par la maîtrise de procédés technologiques. On touche là au cœur du discours qui structure les choix d’exposition, celui de la manipulation créatrice, qu’elle soit technologique ou de « petites mains ». Dès lors, on comprend le rapprochement de cette pièce avec les travaux des deux artistes canadiens invités : Jean-Marc Mathieu-Lajoie et Nathalie Bujold. Le premier compose des images à partir de pièces de différents puzzles, par définition déjà décomposés. Et alors ? On a tous fait du puzzle ! Mais trop occupés à bien reproduire le dessin, on n’avait pas pensé que le loisir traditionnel de chez mamie pouvait se transformer en geste artistique, celui qui détourne. La seconde s’est attaché encore davantage à la manipulation créative des images, en expérimentant la broderie. Ses travaux minutieux, reproductions de photo contemporaines — comme un ami qui fume sa clope —, offrent un exemple original de la mise en abîme de l’image par le travail artisanal. Acte qui finit de nous éloigner du cliché où aurait pu tomber la sélection, celui de la manipulation mentale de l’homme par les images. Ainsi, plutôt que de répondre à la question du « quoi », l’exposition introduit la conscience d’une phase précédente guidée par le comment et par qui elles sont faites. Elle restitue donc un certain ordre des choses, opposant l’aspect autoritaire des écrans à la modestie de la manipulation plastique et manufacturée des images.

Leslie Compan

Jusqu’au 17/03. Galerie de la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e). Rens. 04 95 04 96 00 / www.videochroniques.org