Peu à peu quoique aussitôt… le temps de la métamorphose : expositions dans les Bouches-du-Rhône
Allons voir si l’art ose
En 2013, l’association Voyons Voir aura joué le jeu de la Capitale culturelle en déployant pas moins de huit expositions jusqu’à la fin de l’année, réunies sous un titre générique emprunté à Maurice Blanchot : Peu à peu quoique aussitôt… le temps de la métamorphose. En 2013, les territoires investis se font plus vastes, les artistes plus nombreux et les œuvres, encore plus perspicaces…
Dans le cadre du projet Ulysses, conçu et coordonné par le FRAC PACA, Peu à peu quoique aussitôt… s’inspire des transformations physiques mais surtout psychiques du roi d’Ithaque pendant son voyage. C’est l’angle de la métamorphose qui a été proposé aux artistes pour cette édition, collant particulièrement aux problématiques artistiques, à Ulysse lui-même, et au public qui ne sort jamais indemne de la découverte, qu’elle soit artistique, patrimoniale ou géographique. Le projet originel de Voyons Voir, alliant art contemporain et territoire, prend ainsi cette année une nouvelle envergure. L’association continue d’amener l’amateur d’art à découvrir notre patrimoine en sortant des agglomérations et propose à ceux qui le font vivre de s’ouvrir aux formes sibyllines de l’art contemporain… Cette année, nous parcourrons les chemins de Puyloubier, Trets, Lambesc, Aix-en-Provence et l’Estaque, jusqu’en Camargue dans l’exposition Egarements du Château d’Avignon avec L’Abri-pluie de Gerlinde Frommherz produite par Voyons Voir…
Tout commence en mars dernier, sous un ciel bleu marine, orageux et menaçant, dans le somptueux décor du domaine viticole de Saint Ser, où l’on découvre le résultat de la résidence de Miguel Palma, dont le trépied miroir trône encore au pied de la Sainte Victoire. La sculpture et le film du Portugais s’incluent aujourd’hui dans les œuvres de quatre autres artistes, parmi lesquels Karim Guelloussi avec une vraie fausse anamorphose à la charge dramatique intense : un groupe de personnages de béton, grandeur nature, embarqués dans un canot de fortune pour on ne sait où… Plus loin se plante le bateau d’un Ulysse moderne au destin tragique, forme contemporaine de Benjamin Marianne qui transpose la figure du héros de Troie dans un vocabulaire pop proche des séries, de la BD et du cinéma. Olivier Nattes propose quant à lui une expérience sensorielle, comme si l’on pénétrait l’œil du cyclone… : perte de repères, et vertige assuré ! Avant de le retrouver au FRAC pour son exposition personnelle, Voyons Voir met Yazid Oulab à l’honneur cette année, en lui confiant une résidence à l’Estaque au centre Richebois et en l’invitant à occuper la petite chapelle de Puyloubier avec une installation faite de tuiles et de signes.
A Trets, sur le domaine de Grand Boise, John Deneuve fait appel à nos souvenirs avec la figure de Nono le petit robot du dessin animé Ulysse 31 : vestige de notre enfance chu au beau milieu du domaine, icône pop(ulaire) qui rouillera tranquillement jusqu’à ce qu’on l’oublie totalement… Un peu plus haut pendant la balade, on se questionne devant les trois abris de jardin mystérieusement identiques de Colin Champsaur. Artiste dont on retrouve un regard cinématographique qu’on n’aurait pas soupçonné pas dans une vidéo de Liselot Van der Heijden, rejouant les tête-à-tête à la John Ford entre un fils et son père… Autre décor, autre genre, à Lambesc, au Château Cavalon, on pénètre dans le chais pour découvrir les peintures de Marie Thébault, après avoir contemplé la vidéo de Françoise Petrovitch dans le reflet de l’eau du lavoir, mise en abîme de l’image double traitant elle-même de l’idée de dédoublement…
Le programme des festivités de Voyons Voir n’est à cette heure pas fini… Prochains rendez-vous : les peintures de Claire Tabouret et les sculptures de Vaulot&Dyèvre au Jardin des 5 Sens et Watergame au Jas de Bouffan, une exposition aux jeux d’eau dans la ville aux mille fontaines…
Céline Ghisleri