Pharaons Superstars au Mucem
Tout en canon
Couvrant pour la première fois 5 000 ans d’histoire, l’exposition événement du Mucem Pharaons Superstars mène le visiteur à la découverte des souverains de l’Égypte antique, de leurs exploits jusqu’à leur notoriété posthume.
Dès l’entrée, le titre Pharaons Superstars se détache sur un mur noir pailleté, avec un lettrage qui rappelle celui de La Guerre des étoiles. Étoiles que les pharaons étaient censés rejoindre, comme l’indiquaient les textes funéraires, afin que leurs noms y demeurent à jamais. Le ton est donné : à l’instar d’Hollywood, l’Égypte antique a façonné des icônes, adorées en leur temps et dont le culte s’est perpétué jusqu’à nos jours.
Ce parcours, qui nous mène à la découverte des exploits et de la notoriété posthume de ces pharaons, est bâti autour d’une problématique originale. En effet, pendant près de 3 000 ans, l’Égypte a été gouvernée par plus de 340 pharaons alors que le public n’en retient que quatre ou cinq : Kheops, Néfertiti, Toutankhamon, Ramsès ou encore Cléopâtre. Comment est-ce que ces souverains et souveraines ont pu accéder à la postérité alors que nous ignorons quasiment tout des autres ? L’exposition questionne donc cette célébrité et sa versatilité. Si ces noms sont parvenus jusqu’à nous, c’est que leur légende a été soigneusement entretenue, depuis les cartouches des hiéroglyphes égyptiens jusqu’aux publicités pour savons des années 80, en passant par les auteurs et peintres orientalistes.
3 000 ans d’histoire en quelques règnes
Des répliques du buste de Toutankhamon bornent l’entrée et la sortie du parcours, nous entraînant dans les méandres et les variations chronologiques de la postérité de ces pharaons. La première section retrace 3 000 ans d’histoire à travers quelques règnes mémorables. Les grands guerriers et les bâtisseurs ont bénéficié de la postérité la plus durable. En effet, le pharaon, investi par les dieux, est un roi guerrier qui enrichit le pays par ses conquêtes. Son nom est alors porté en amulette ou gravé sur des linteaux comme ceux de Touthmôsis III ou Ramsès II. Le poing du colosse à l’effigie de ce dernier est d’ailleurs exposé. Placé à l’extérieur des temples, où les profanes ne pénétraient pas, ces colosses faisaient office de saints de proximité, que les Égyptiens révéraient lors de processions. À l’opposé, l’exposition abrite une section « Rois maudits », ces souverains que les Égyptiens ont voulu oublier et dont les images et monuments ont été détruits. Citons Akhenaton et Néfertiti, dont les réformes religieuses n’ont pas fonctionné et qui ont vu leurs images mutilées. Toutankhamon, leur fils présumé, a subi le même sort. L’ironie de l’histoire a fait de ces personnages des mythes, réduisant à néant les efforts des Égyptiens pour réécrire leur roman national.
La légende des siècles
Par sa scénographie plus aérée, la deuxième partie nous signale que nous entrons dans la légende, en couvrant la période qui va du Moyen-Âge au XIXe siècle. Les pharaons gardés en mémoire sont ceux cités par les historiens grecs ou latins. Ces personnages mi-historiques mi-légendaires inspirent artistes et lettrés et sont érigés en modèles ou en contre-exemples. Pour chacune de ces œuvres bâties autour d’un pharaon mythique, l’exposition met en regard un objet archéologique authentique. On découvre ainsi Nectanebo, dernier des pharaons, présenté comme le prétendu père d’Alexandre le Grand. Busiris, tyran inventé par les légendes grecques, est repris par les artistes occidentaux pour symboliser la barbarie que les puissances civilisées doivent combattre. Les historiens romains ont ainsi transmis de Cléopâtre l’image d’une reine libidineuse, dont le suicide a donné aux artistes occidentaux l’occasion de peindre de la chair nue, pourtant condamnée. À l’opposé, dans le monde arabe classique, Cléopâtre passe pour une reine savante, grande bâtisseuse et fine lettrée.
En voiture avec Ramsès !
La troisième section souligne d’abord le rôle fondamental des travaux de Champollion dans le retour des pharaons. Ramsès II ressurgit au XIXe siècle et devient le souverain de référence. En 1912, les fouilles révèlent les portraits d’Akhenaton et de Néfertiti qui passent pour les inventeurs du dieu unique. Les bustes de la reine deviennent iconiques, tous les musées veulent en faire l’acquisition. En 1922, les médias s’emparent de la découverte de la tombe du Toutankhamon par Howard Carter. En Égypte, les mouvements nationalistes réclament leur part de l’héritage pharaonique, qui inspire des artistes comme Mahmoud Mokhtar, dont la statue La Fiancée du Nil est présentée dans l’exposition. Dans les années 50, Nasser lance une politique de nationalisation, et de nouveaux produits égyptiens font leur apparition, comme la machine à coudre Néfertiti ou la voiture Ramsès. Le monde de la musique s’empare à son tour de cet héritage, des rappeurs marseillais d’IAM qui s’en inspirent pour leurs avatars respectifs à Beyoncé qui convoque la figure de Néfertiti sur son étendard afro-féministe. Enfin, l’épouse d’Akhenaton dispute à Cléopâtre le privilège de faire vendre gaines de maintien et savons parfumés. La réalité historique s’efface au profit de la pop culture, la fabrique d’icônes s’est mise en marche, les pharaons ont rejoint les étoiles tant convoitées.
Une semaine pharaonique !
En écho à la programmation, le Mucem propose une semaine d’animations gratuites du 27 au 30 juillet. Des ateliers d’activités, des visites flashs de l’exposition et des conférences seront ainsi proposés aux enfants qui pourront profiter avec leurs parents de projection de films en plein air dans le cadre de Ciné Plein Air. On pourra y (re)découvrir le majestueux Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz en deux parties, mais aussi le dernier opus de Michel Ocelot, Le Pharaon, le sauvage et la princesse, en avant-première (le 30). Enfin pour les plus grands, soirée de clôture toute en or et paillettes avec karaoké Sing or Die, bal de voguing et dj set avec Pola Facettes.
Isabelle Rainaldi