Pierre La Police – Miracles nuisibles et malveillances célestes. Les Praticiens de l’Infernal, tome 2 (Éditions Cornélius)
Si vous avez déjà lu des bandes dessinées plus ou moins absurdes, oubliez-les ! Le maître du genre revient avec un opus que l’on attendait depuis plus de cinq ans. Les aventures délirantes des trois personnages de Pierre La Police (Fongor et les deux mutants Thémistecles) resurgissent pour nous arracher à nos certitudes.
Avec Pierre La Police, c’est décollage immédiat. Dès la première page, le récit opère une brèche dans laquelle va s’engouffrer une histoire absolument hilarante. Peu d’efforts de lecture sont nécessaires pour entrer dans le vif du sujet. Pour servir ce bouillon narratif, l’artiste use d’un style primaire, dépourvu d’artifices : du dessin à la ligne et de la couleur en aplat. Chaque planche est archaïque : un dessin pleine page accompagné d’un commentaire. À grands coups de pied dans la fourmilière, l’auteur nous conte une histoire qu’il est inutile, puisqu’impossible, de synthétiser ici. Et pas besoin d’avoir lu le premier volume pour comprendre de deuxième. Les repères spatio-temporels se recomposent à travers un récit rocambolesque, mais dont on suit aisément le déroulé. Une véritable prouesse. Pour que le coq et l’âne se succèdent avec brio, il nous fallait un alchimiste, un initié qui, dans un élan de générosité, partage le fruit de ses expériences. Quand Monsieur La Police s’y met, les stéréotypes implosent et la BD retrouve ses lettres de folie.
Aux grands maux les grands remèdes, Les Praticiens de l’Infernal sont publiés chez Cornélius. On ne présente plus cette maison d’édition qui publie — depuis 1991 — autant des mastodontes de la BD américaine (Crumb, Clowes, Mazzucchelli..) que la fine fleur française (Blutch, Debeurme…). Les livres publiés par Cornélius se reconnaissent par la qualité qui s’en dégage. Les couvertures garnies d’encres bienfaisantes, le papier généreux, les formats étudiés signent de beaux objets qu’apprécient tout particulièrement les amateurs. Le fond et la forme sont donc réunis dans ce petit dernier, et il n’en fallait pas moins pour qui veut pratiquer la bande dessinée dans son format le plus infernal. Notez que les premières BD de La Police sont quasiment introuvables (Les Mousquetaires de la Résurrection) puisqu’elles ne sont plus éditées, et jamais remises en vente (ou alors à prix d’or) par leurs acquéreurs. Plutôt bon signe…
Le dessinateur, dont on ignore la véritable identité, est un chercheur qui explore les mondes de la BD, mais aussi de l’art contemporain. La sortie de son nouvel ouvrage s’accompagne d’une exposition à Aix-en-Provence, au Musée des Tapisseries, dans le cadre des Rencontres du 9e Art. Idéal pour (re)découvrir la densité du travail de l’artiste.
Hector Garrin
Exposition Thémistècle : jusqu’au 20/05 au Musée des Tapisseries (28 Place des Martyrs de la résistance), dans le cadre des Rencontres du 9e Art. Rens. : www.bd-aix.com
Pour en (sa)voir plus : www.pierrelapolice.com / www.cornelius.fr