Apopcalypse
2012. Le cerveau toujours embrumé par quelques avalanches d’informations, prenons le temps de nous questionner sur l’avenir de la pop culture… et des petits oiseaux.
Dans son brillant ouvrage Ocean of Sound, publié en 1995, David Toop propose une réflexion sur l’aspect immersif de la musique. Pour résumer, l’ambient, qui a connu une seconde vague au début des années 90, n’y est pas vraiment évoqué en tant que genre, mais plutôt en tant que type d’écoute. « L’envie de transcender le corps est un thème dominant dans toute conversation relative à l’avenir technologique », commente l’auteur…
Retour en 2012. Immergés, nous le sommes. A l’ère du tout numérique, cela ne fait aucun doute. Mais dans quoi ? Il est en effet compliqué de déterminer les contours d’un présent dominé par l’immatérialité. Tant mieux ? Tant pis ? A ce sujet, Rétromania – Comment la culture pop recycle son passé pour s’inventer un futur, à paraître début février chez Le Mot et le Reste (maison d’édition marseillaise), fait d’ores et déjà figure de référence. Le critique musical Simon Reynolds y développe une réflexion acérée sur ce dans quoi nous sommes finalement tous plus ou moins plongés, artistes, auditeurs, connectés, enfants de la culture pop. Un grand coup de pied dans la fourmilière de la « digiculture » (qui fait suite au « régime analogique », précise-t-il dans un article publié dans le dernier Chronic’Art), obsédée par son propre passé. Où en est-on avec la pop culture à l’heure d’Internet ? Système d’archivage atemporel, flux constant d’informations, profusion, décontextualisation… Comment interpréter et recevoir, aujourd’hui, ce qui a été déjà composé/écrit/pensé hier ? Alors, bien entendu, on se sent tous concernés et chacun y va de son petit commentaire. Le sujet est passionnant. Mais attention aux impasses, comme il l’explique en prenant MySpace pour exemple : « Tout le monde parle, personne n’écoute. » Prenons le temps donc.
Par exemple, dans un tout autre domaine, des chercheurs ont récemment pris le temps d’analyser plus de mille chants de troglodytes maculés, pour enfin découvrir que ces petits oiseaux duettistes prennent eux-mêmes le temps d’apprendre la partition de leur partenaire… Prenons le temps, l’immersion n’en sera que plus transcendantale. Laissons à Hiroshi Yokoi, créateur de la première radio par satellite, le soin de conclure (dans Ocean of Sound toujours) : « Je pense que les personnes liées à l’activité des médias ont une obligation importante à remplir. Celle de saisir pleinement l’esprit de cette période. Et en même temps d’employer leur pouvoir d’imagination et leurs compétences pratiques pour créer une vague de rêve. »
Jordan Saïsset
Simon Reynolds – Rétromania – Comment la culture pop recycle son passé pour s’inventer un futur (Le Mot et le Reste), disponible en librairie dès le 9/02.
David Toop – Ocean of Sound – Ambient music, mondes imaginaires et voix de l’éther (Kargo).