Life Recorder

Portrait : Life Recorder

La vie partagée

 

A Marseille depuis 2011, le Savoyard Life Recorder disperse des pépites techno/house aux quatre coins du globe. Tour d’horizon.

 

« Dernièrement, au micro de Bienvenue au Club sur Radio Grenouille, l’animateur, Anticlimax, me faisait remarquer le fait que je suis moins remarqué en France qu’à l’étranger. Ça me ramène à l’idée que j’ai toujours été entre deux : quand j’habitais en Haute-Savoie, j’étais obligé de me rendre en Suisse pour mixer, parce qu’en France, il n’y avait pas ce genre de soirées… »
Retour dans les 90’s, dans la vallée d’Annemasse, peu ou prou la banlieue de Genève : Christophe, alias Kriss Kortz, découvre la house et la techno chez lui, le soir, en allumant sa radio. Un médium qui se révèle, sous les doigts des djs, la porte d’embarcation idéale pour les insondables Chicago et Detroit. « Le DJaying fait partie intégrante de la techno. Il y a peut-être plus de gens qui produisent aujourd’hui que par le passé, mais au début des années 90, c’était d’abord les platines… Après, je me suis vite intéressé à la provenance de la musique que j’écoutais. L’histoire des Underground Resistance m’a parlé. Ces mecs vivaient dans des endroits hostiles, sans rien. La techno étaient leur seul moyen d’expression, de connexion sociale. » Une philosophie centrale dans la construction de Life Recorder. Ce minimalisme lui permettra de se concentrer sur le son, qu’il se met petit à petit à sculpter sur son écran avec la précision d’un orfèvre. « Ce qui me séduit tout particulièrement dans ce mouvement, c’est le fait de s’exprimer avec peu de choses, et le côté deep, mélancolique. Des musiciens qui vont tout mettre dans leur unique synthé, dans un putain d’accord. D’ailleurs, quand tu vois les studios, tu t’aperçois que la house est souvent faite par des mecs qui n’ont pas grand-chose. Et ce, aujourd’hui encore. » Installé à Marseille, Christophe se sent désormais — paradoxalement — plus proche de la nature. La mer, le soleil… Ses dernières productions, un quatre titres sorti il y a deux ans sur un label de Detroit (Aesthetic Audio) et, plus récemment, la face A d’un vinyle (support qui lui tient à cœur) sur un label anglais (Bokari Records), en sont pleines. Sans rien perdre de la force de suggestion, ces superbes tracks confirment le cap franchi par notre homme il y a quelques années déjà. Pas à pas, étape par étape. « Il m’a fallu du temps pour trouver mes marques et ma façon de travailler. J’ai besoin de temps, de m’imprégner des choses, de la musique que j’écoute mais aussi de mon environnement naturel. Mon approche est instinctive. Je ne suis pas instrumentiste, je fais tout en écoutant. » Et l’on peut justement parler de tout avec Christophe : de J Dilla à la transmission via des ateliers de MAO (qu’il organise), en passant par l’impact de la nature sur notre psyché et la musique traditionnelle arménienne, ses origines. Pourtant, loin de se perdre dans une culture musicale longue comme le bras, il semble avoir trouvé l’essentiel, ce qui fait toute la différence et le rend indispensable : une signature. Une couleur qui transparait dans son épanouissement, quelque part, dans ces précieux échos en forme d’horizons, ces accords en mutation ou cette complexité contenue. Peu importe, c’est là, et l’on s’en rend compte sans trop savoir comment. « Mes dernières prod’ ont pas mal été playlistées par des djs, c’est cool, mais je me suis éloigné de la scène dancefloor. J’étais pas mal dans cette optique à un moment donné, mais je me suis rendu compte que ce n’était pas trop le chemin que je voulais prendre. De m’être posé, en arrivant ici, j’ai pu bosser sur l’aspect technique de mes morceaux, et pris le temps de faire une musique qui me ressemble un peu plus. » Rien ne vous empêchera cependant de le croiser tard le soir, à droite, à gauche. Aux platines du One Again ou du Baby, invité par La Nuit Magazine dans le cadre d’une Marseille Sound Connection par exemple. Mais aussi à Londres, où il s’envolera deux jours après notre rencontre pour jouer ses propres morceaux… « Rhythm & pads & delays & life », peut-on lire sur sa page Facebook. La musique de Life Recorder se fait ainsi le témoin de sa propre vie. Une vie de plénitude.

Jordan Saïsset

 

Rens. www.facebook.com/LifeRecorder & www.soundcloud.com/life-recorder. Disponibles dans les bacs, dernièrement sortis (sans compter les remix) : Positive Changes EP (Science Label, Chine, 2011), No Look Back (Aesthetic Audio, Détroit, 2012), Sans Titre-Life Recorder/Semerka (Bokharie Records, UK, 2014)