Portrait : Luc Dubost
Un éléphant, ça grimpe énormément
Depuis le début des années 90, Luc Dubost s’est construit une identité de plasticien à part. En atteste son nouveau projet, Not for Highway use/Le Syndrome Hannibal, métaphore participative du geste créatif en tant que fonction vitale. Pour faire court : des montagnes, un éléphant, des hommes.
« Après ma dernière exposition, j’ai dû déplacer une œuvre imposante du Vieux Port vers le Musée Regards de Provence, avant de rejoindre les Arnavaux. Plutôt que de louer un camion, j’ai opté pour un déplacement sur roulettes. » Cette contrainte, pour le moins anodine au premier abord, Luc Dubost a décidé de la placer au centre de l’œuvre. Et cela en éprouvant, au même moment, un intérêt grandissant pour Hannibal, le général carthaginois célèbre pour avoir traversé les Pyrénées puis les Alpes avec des éléphants… Enfin, troisième fait important : le plasticien a besoin de « sortir de la ville pour exister ailleurs. Je voulais être physiquement hors des autoroutes, tout comme j’aspire à sortir des standards dans ma recherche artistique. » Mais il lui faut un liant : la dimension participative. C’est alors que l’idée prend totalement forme. Luc et une dizaine d’accompagnants motivés quitteront donc Larche, village des Alpes de Haute-Provence, le quinze août, avec un éléphant de plus de deux-cent kilos tout en résine et sur roulettes, en direction de Coni en Italie. Le déplacement fera l’œuvre, en constante évolution, entre fiction et réalité. L’aventure sera même photographiée, filmée, ponctuée de workshops artistiques (littérature, danse, bande dessinée…) et d’une conférence « au sommet d’une montagne » organisée par Bernard Muntaner, ancien directeur du FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Créée avec des accompagnants permanents ou ponctuels et de probables rencontres inattendues faites en chemin, l’œuvre prendra forme peu à peu, sans propriétaire fixe. « Je ne suis que le dépositaire d’une idée que les autres pourront s’approprier librement. Il ne s’agira pas d’un collectif d’artistes mais d’une œuvre collective. » Atteindre le sommet de la montagne, tout comme l’acte artistique, se mérite. Plus fort encore, cette démarche semble vouloir nous montrer à quel point l’art est indispensable à la survie humaine, puisque l’éléphant, préalablement vidé, transportera une partie du bivouac… Une œuvre introspective pour questionner notre humanité au fil d’un cheminement intérieur, entrepris en plein cœur de paysages grandioses. « Je pense à réaliser un livre d’images et de textes assemblant les propositions de ceux et celles qui m’auront accompagnés, sur un principe de droits d’auteur partagés. » Luc Dubost est bel et bien en train de franchir un cap.
Guillaume Arias
Rens. : www.lucdubost.wix.com/not-highway-hannibal