Portrait : Nasser
Marseille 2.0
Depuis quelques mois, le buzz enfle dans les milieux autorisés. Tapageur, séduisant et connecté à tous les niveaux, Nasser est-il le groupe qui peut replacer Marseille sur la cartographie des villes qui bougent ?
Début décembre à la Machine à Coudre. Connue pour être la salle emblématique de la scène rock à Marseille, celle qui valide les premiers pas de groupes en quête de crédibilité, la Machine, ce soir, est inhabituellement peuplée : jeunes branchés, poules à frange et autres spécimen de la night s’y sont rejoint en nombre. Quand Nasser monte enfin sur scène, l’ambiance est électrique : et vas-y que ça piaille, et vas-y que ça lève les bras en l’air sans jamais toucher le plafond, mais qu’importe, qu’importe le contraste et les problèmes de son. Ils scandent tous son prénom. Là-haut, il y en a un qui doit être fier… Fast forward : la semaine dernière, à la Friche. Rendez-vous est pris avec Nasser, ce trio dont tout le monde parle depuis quelques mois. Il y a un an, personne ou presque ne les connaissait. Mais c’est un peu normal : ils commençaient à peine, avec dans l’idée de « faire des concerts simplement pour faire la fête, en partant dans une direction électronique parce qu’il y a ce fameux « pied » qui fait danser les gens. » Depuis, Nasser a donné plusieurs concerts à Paris (Showcase, Nouveau Casino, Flèche d’Or : la crème), sorti un mini-album sur lequel se trouve un hit en puissance (Come on) assorti de remixes réalisés par des producteurs cotés (Munk, Think Twice), fédéré une large base de fans avec un « son » bien dans l’air du temps, et pas seulement à Marseille, cette ville qui est la leur et qu’ils promettent de ne jamais lâcher. Pourquoi, comment ? Nicolas (batterie/chant) et Romain (direction artistique/machines) se connaissent depuis dix ans. Ce n’est pas la musique qui les a rapprochés… mais l’image : ils ont commencé par ouvrir un département clip à la fac, avant de rejoindre la boite de prod’ Partizan (Michel Gondry, Quentin Dupieux…) en tant que réalisateurs. Quand Simon, musicien porté sur la nouvelle scène électronique et plus connu sous le nom de Facteur (il s’est fait connaître aux côtés du jeune prodige Dubmood), leur propose de monter un projet de scène résolument tourné vers une énergie rock, ils n’hésitent pas une seule seconde. Et mettent à profit tout ce qu’ils ont appris en côtoyant le monde de la pub : bien vendre leur produit, en utilisant au maximum tous les moyens que leur confère l’époque. On met ici le doigt sur un point capital dans l’évolution rapide du groupe : le réseau. Grâce au Web 2.0, mais aussi grâce à ses connexions avec une certaine frange de la hype, Nasser a pu toucher un maximum de monde en un minimum de temps. « Dès nos premières vidéos postées sur Facebook et les réseaux sociaux, on a senti qu’il y avait de l’engouement autour du projet. Etre affilié à Partizan a évidemment joué pour nous : on avait mis l’un de nos morceaux dans une pub, ça a eu beaucoup d’impact sur les créatifs. Pour avoir travaillé dans la pub, on n’a pas honte de dire qu’on a réfléchi Nasser sous un angle marketing : le travail sur les réseaux en est une étape, ça permet de faire une promo de malade sans maison de disque, d’être plus proche de tes fans. » De fait, Nasser est totalement en phase avec sa génération, tant au niveau de son approche interactive que de sa direction musicale, qui suit clairement les traces de Soulwax (sur scène) et de l’écurie Ed Banger (sur disque, en attendant qu’ils aient les moyens de sonner plus rock). Bien sûr, tout cela est encore très perfectible, et sujet aux évolutions constantes d’une scène qui, par essence, préfère briller sur le court terme plutôt que d’éclairer un chemin beaucoup plus long à emprunter. Il n’en reste pas moins que Nasser se pose, en ce début d’année 2010, comme le projet le plus emblématique d’une nouvelle génération d’activistes marseillais, hyperactifs, ouverts à toutes les collaborations, et surtout bien décidés à replacer leur ville au centre des débats.
PLX