L’Époque de Matthieu Bareyre

Printemps du film engagé

Ô rages et espoirs

 

Du 6 au 13 mars, la cinquième édition du Printemps du film engagé permet de multiplier les regards sur les luttes qui secouent nos sociétés et dont tout citoyen devrait s’emparer, dans l’espoir d’une transformation collective de nos propres vies.

 

Qu’importe au final l’adjectif que l’on y rattache — militant, engagé, de lutte, politique —, un cinéma, une écriture filmique, un geste donnant à voir les injustices d’un système ou la domination d’une poignée d’individus sur l’ensemble des peuples, et donc les combats afférents, ont trouvé sur l’écran le moyen de toucher le plus grand nombre, de partager ces luttes, à l’heure où les médias dominants ont depuis longtemps perdu toute crédibilité à rendre compte de réalités sociales et humaines. Même si cette question de la représentation d’un monde en mouvement est bien antérieure, les soulèvements libertaires des années 1960 vont permettre à de nombreux cinéastes de s’opposer à cette hégémonie qui accompagne le développement d’un capitalisme sauvage. Mais ce n’est que depuis une quinzaine d’années que l’exploitation cinématographique consacre en France une large part à la diffusion d’un cinéma documentaire engagé, sur de nombreux sujets, avec parfois de réels succès publics, à l’instar du fameux Merci patron ! de François Ruffin. Le cinéma, en tant que média de masse, collabore ainsi à l’idée d’un projet social. Dans cette nouvelle dynamique, les festivals ont fleuri dans l’hexagone, et l’une des meilleures manifestations au sein de la cité phocéenne reste sans conteste le Printemps du film engagé, qui présente début mars sa cinquième édition dans divers lieux de la ville. Sept soirées dans une formule identique aux années précédentes : un court, un long et le débat en présence d’invité.e.s. À commencer, pour la soirée d’ouverture au Gyptis, par la projection du film de Matthieu Bareyre, L’Époque, qui déroule les diverses formes d’engagement de la jeunesse contemporaine. Une séance qu’accompagnera entre autres le journaliste et cinéaste Michel Samson, dont on a toujours en mémoire la fameuse œuvre-fleuve Marseille contre Marseille. Suivra la séance de Qui a tué Ali Ziri ?, accompagnée par son réalisateur Luc Decaster, bouleversant documentaire sur la mort en 2009 du chibani de 69 ans, avec en filigrane la question — ô combien d’actualité — des violences, voire des exactions, policières en France. Le 9 mars aux Variétés, l’Amérique Latine, haute terre de luttes et de résistances, sera mise à l’honneur avec l’opus Los Silencios de Beatriz Seigner, projection suivie d’un échange avec les équipes de France Amérique Latine et la géographe Virginie Baby-Collin. L’accueil digne des migrants et réfugiés, dont le traitement dans les mass médias donne tout bonnement la nausée, ne pouvait être absent de cette programmation. Le film La Tête haute, présenté par le réalisateur Thierry Leclère, revient sur les actes citoyens et humanistes vécus au cœur de la Vallée de la Roya, et la mobilisation des habitants mus par la plus élémentaire dignité humaine. Déjà évoqué dans ces colonnes, Alain Barlatier présentera quant à lui son fameux Après l’effondrement, sur les drames de la rue d’Aubagne à Marseille. Cette cinquième édition, toujours aussi passionnante, s’achèvera par une autre forme de lutte, celle de la survie des salles de cinéma, devenues pour la plupart des lieux uniques d’échanges, de partage et de lien social, avec l’exemple des combats qui ont secoué Montreuil pour la survie du Méliès. Le Printemps du film engagé offre encore cette année la possibilité de regards pluriels sur un monde en crise, mais au-delà, les résistances qui s’organisent et dont chacun d’entre nous, quel qu’en soit le degré, devrait s’emparer.

 

Emmanuel Vigne

 

Printemps du film engagé : du 6 au 13/03 à Marseille.

Rens. : 06 63 57 07 72 / www.facebook.com/printempsdufilmengage/

Le programme complet du Printemps du film engagé ici