Surveiller l’ensemble des communications vocales ou écrites sur la planète semblait à portée techniquement. La NSA, une agence de renseignement américaine, a fini par mettre au monde ce Léviathan. Méthodique et généralisée, la surveillance mise en place cible tout le monde. PRISM les a tous embrigadés : Microsoft depuis 2007, Yahoo en 2008, Google et Facebook en 2009, YouTube en 2010, Skype et AOL en 2011, puis Apple l’année dernière. Les espions ont un accès illimité à leur serveurs, et d’un clic peuvent se brancher sur notre vie. Tout en étant soigneusement sauvegardées, chaque référence, chaque réflexion, chaque décision reportées sur le web peuvent être potentiellement utilisées contre nous. C’est depuis les entrailles du monstre qu’Edward Snowden a décidé de révéler ces informations. Pour lever le secret, pour qu’une telle pratique soit mise au jour et débattue, ce jeune Américain a pris tous les risques, pour le principe, pour l’intérêt général. A l’instar de Bradley Manning, ce militaire US qui avait fourni à Wikileaks les informations sur l’Irak et l’Afghanistan et l’ensemble de la politique étrangère des Etats-Unis, lui valant de risquer la prison à vie. Le même jour que ces révélations, on apprenait que les Etats membres de l’Union européenne avaient retoqué une proposition de la Commission européenne qui visait à renforcer la vie privée des citoyens sur Internet par la protection et le contrôle des données personnelles et l’instauration d’un droit à l’oubli.
C’est maintenant que sont posés les jalons de la liberté de communication en ligne pour l’avenir. Les autorités avancent leurs pions et, sous le prétexte commode de la lutte contre le terrorisme, instaurent ce qu’il deviendra impossible d’abolir plus tard. “Ma plus grande peur, c’est que rien ne change”, disait Snowden dans son interview au Guardian. On ne peut que le suivre.
Victor Léo