Provence, Terre de Cinéma à Rousset
Danse sur le feu
Durant quelques jours printaniers, le petit village de Rousset accueille l’une des rencontres cinématographiques les plus importantes de la région, Provence, Terre de Cinéma, qui continue, pour cette neuvième édition, d’offrir son lot de (bonnes) surprises.
De tous les festivals en région, hors Marseille, Provence, Terre de Cinéma se démarque par la volonté affichée de soutenir la création locale, particulièrement dans la catégorie courts-métrages. L’événement accueillit dans ses vertes années les premières œuvres de Christian Philibert (l’inénarrable Revanche de M. Seguin !) ou celles de Philippe Carrèse. Depuis, les réalisateurs régionaux de tous poils ont un jour ou l’autre projeté leurs premiers pas cinématographiques dans cette compétition, renouvelée cette année encore et dotée, pour les gagnants, d’un soutien financier non négligeable. Au menu des réjouissances, citons Second seuil de Loïc Nicoloff et surtout La baie du renard, premier opus de Grégoire Colin, acteur fétiche de Claire Denis, croisé en pizzaïolo phocéen ou en légionnaire éphèbe. Cette projection de courts-métrages tournés en Provence reste un instant privilégié où réalisateurs, acteurs et équipes techniques partagent cette expérience commune de camper leur œuvre dans le sud-est de la France. Mais l’événement ne se limite pas à cette portée régionaliste. L’équipe organisatrice des Films du Delta a fait fi de l’annulation de l’Année du Mexique, en maintenant l’une des plus belles propositions de ce printemps, se penchant sur les deux âges d’or du cinéma mexicain : la production des années trente à cinquante, en écho avec la nouvelle vague récente. De tous les courants cinématographiques, ce premier âge d’or au Mexique, soutenu plus tard par les cinéphiles français, reste le grand oublié de l’histoire du cinéma. La masse de films réalisés le disputaient pourtant à la fougue du langage cinématographique. L’héritage révolutionnaire du pays trouvait un écho à l’explosion de l’industrie et à l’évolution de la société mexicaine. Un cinéma incarné par la maestria du réalisateur Ismael Rodriguez, auteur, entre autres, des sublimes A toda maquina et Animas Trujano, chef d’œuvre interprété par Toshiro Mifune, acteur fétiche d’Akira Kurosawa. Provence, Terre de Cinéma décide de rendre hommage à ce cinéaste tombé dans l’oubli en programmant une œuvre de 1958, La cucaracha. Parallèlement, l’événement présentera pour le plus grand plaisir des cinéphiles l’une des premières palmes d’or du Festival de Cannes, Maria Candelaria d’Emilio Fernandez. Après plusieurs décennies apathiques, le cinéma mexicain a retrouvé dernièrement ses lettres de noblesses sur la scène internationale, via les films d’Inarritu, Cuaron ou Reygadas. Une reconnaissance que viendront incarner le cinéaste Jorge Perez Solano et l’acteur Harold Torres, à l’occasion de la projection de leur film Espiral. Enfin, l’équipe des Films du Delta bouclera cette neuvième édition du festival en évoquant la relation centenaire qu’entretiennent la danse et le cinéma. Un hommage à Angelin Preljocaj et à Bianca Li viendra rappeler les relations nouées entre cinéastes et chorégraphes. Cette connexion se retrouve d’ailleurs dans le film qu’Olivier Assayas a consacré au travail du locataire du Pavillon Noir, Eldorado. D’Ettore Scola à Robert Wise, en passant par Bob Fosse ou Carlos Saura, de nombreux cinéastes ont su transcender à l’écran l’acte dansé, créant un genre cinématographique à part entière, auquel Provence, Terre de Cinéma consacre aujourd’hui l’essentiel de cette édition.
Emmanuel Vigne
Provence, Terre de Cinéma : du 28/04 au 1/05 à Rousset (Salle Emilien Ventre, boulevard de la Cairanne). Rens. 04 42 53 36 39 / www.filmsdelta.com