Puglia 2008 : Prélude à Marseille, à la Galerie de l’ESBAM
Ensemble, c’est tout ?
La Galerie Montgrand et les Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille accueillent la sélection France Sud de la treizième édition de la Biennale des Jeunes Créateurs d’Europe et de la Méditerranée, qui aura lieu le mois prochain à Bari en Italie.
Il est parfois bien difficile d’écrire sur des expositions collectives lorsqu’il n’y a pas à proprement parler de thème, ni d’interrogation, ni de médium qui réunit les nombreuses œuvres présentées. S’agit-il de juger la qualité de l’exposition dans son ensemble qui réunit à première vue des propositions hétérogènes ou la pertinence des œuvres prises isolément ? Cette question se pose ici avec d’autant plus de force qu’il s’agit d’une biennale internationale (qui regroupe des artistes sélectionnés dans 22 pays du pourtour méditerranéen) dont nous n’avons qu’un petit aperçu seulement, puisque sont présentés à Marseille les artistes sélectionnés par les quatre membres français de la Biennale : Marseille et la région PACA, le Pays d’Aix, Toulon Provence Méditerranée et Montpellier. On pourrait donc analyser les enjeux de cette biennale — artistiques, culturels, sociaux — dédiée à la jeune création… au risque de ne pas parler des œuvres. En même temps, le fonctionnement et l’inscription d’une œuvre dans une exposition, elle-même intégrée dans un réseau plus vaste d’échanges et de confrontations (la biennale), en conditionnent fortement la réception et l’évaluation. A Bari, de nouvelles confrontations entre les œuvres seront sûrement mobilisées, et le paysage artistique méditerranéen en sortira grandi et modifié. Une perception locale est à intégrer dans une perception globale, et inversement. S’agit-il donc ici, de juger la pertinence de la manifestation (la biennale), de l’exposition à Marseille (sélection France Sud), ou encore les différentes œuvres perçues comme des entités autonomes ?
D’où notre parti pris : inutile de chercher l’art en dehors de ses singularités, dans une région abstraite. Mais si l’intérêt réside dans chaque œuvre singulière, celles-ci ne peuvent pas pour autant être considérées comme des entités autonomes et closes sur elles-mêmes. Des dialogues se créent entre les propositions, des lignes de force apparaissent, des différences s’affirment. En effet, une partie des œuvres présentées partent du réel en mobilisant sa charge affective, onirique ou imaginaire, en explorant dans le même temps les potentialités du médium utilisé — la photographie chez Minori Matsuoka, la vidéo chez Camille Boissière — ou encore la confrontation entre les matériaux physiques et tangibles mobilisés (Caroline Le Méhauté). L’œuvre de Pablo Garcia (composée de prises de vue photographiques et de textes officiels sur les Centres de Rétention Administrative) et celle de Jean-Adrien Arzilier proposent d’interroger le passage entre lieux physiques existants et lieux théoriques ou symboliques par lesquels ils sont pensés et conçus. Les vidéos d’Heidi Moriot, les photographies d’Alexandra Mercurio, jouent et déjouent les attentes du spectateur, en créant des troubles perceptifs, souvent comiques, burlesques ou absurdes. A côté de cela, Ballet métallique de Florent Caillol nous montre le corps de l’artiste tentant d’apprivoiser et de dresser une structure métallique, d’instituer un dialogue corporel étonnant avec cette étrange matière…
Ainsi, la sélection France Sud peut être appréhendée comme un espace d’expérimentation, de recherche et de rencontre où les pratiques artistiques, si elles se montrent et se pensent, s’exercent également… par une incessante remise en jeu du territoire de l’art.
Elodie Guida
Puglia 2008 : Prélude à Marseille. Jusqu’au 17/05 à la Galerie de l’ESBAM (40 rue Montgrand, 6e) et Ateliers d’artistes de la ville de Marseille (11-19 bd Boisson 4e).
Rens. http://www.espaceculture.net/07_bjcem/index_bjcem.htm