Raphaëlle Boutié chez Songe d’Icare

Raphaëlle Boutié chez Songe d’Icare

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La colline de l’enfance

A la galerie Songe d’Icare, la collection de toiles de Raphaëlle Boutié, regroupées sous l’intitulé La force des éléments, restitue les ressacs et les magnitudes de la vie.

Raphaëlle Boutié prend pour point de départ des sites, des paysages, les courbes qu’ils dégagent, les forces qui les parcourent. Une fois emmagasinés, l’artiste prend le parti de les rendre dans leur énergie brute, traversés qu’ils sont de courants différents, qui voisinent, se croisent, s’affrontent et s’influencent. Elle tend ses arcs d’énergie pure sur des fonds tantôt chauds, tantôt froids mais toujours lumineux, qui donnent aux œuvres leur équilibre au-delà et en contrepoint du chaos énergétique… Elle laisse, telles des queues de comètes, des touches de verticalités (éclaboussures, vagues, coulées…), dont elle joue comme la nature le fait de stalactites en stalagmites, évoquant ce qui s’élève et ce qui descend. Ses toiles sont des miroirs, des spectres quasi sismographiques, instantanés saisis au fil de l’étincelle qui traverse les êtres quand ils veulent n’être que sensations. L’artiste projette sa peinture, dans un état voulu second, évoquant une transe. Quelques toiles laissent cependant penser que cette peinture n’est pas qu’énergie, qu’elle est aussi sentiment, comme la définition d’un idéal impossible à atteindre. Un idéal qui suscite tour à tour le manque et la frustration quant à son inaccessibilité, l’inquiétude quant au chemin pour le (re)trouver, et la plénitude de quelques instants, quand on est enfin au présent, quand quelques rares et sporadiques fulgurances nous permettent d’échapper au marasme conflictuel pour atteindre à nouveau les sommets enivrants des impressions premières. Une ligne d’horizon à la courbe familière (la Sainte Victoire) délimite la frontière entre extatique et tellurique, seulement et rarement franchie de quelques virgules, respirations qui s’élèvent au-dessus du maelström. Deux toiles semblent signifier que l’inaccessible ne l’est peut-être pas tant : l’une nous conduit à lui par un corridor en entonnoir, bordé de colonnes sombres et terminé par une porte blanche qui donne sur la colline des illusions perdues. L’autre montre un goéland sur un fond dont on devine qu’il est toujours cette colline, planant bien au-dessus des colonnes sombres qui nous y conduisaient sur l’autre toile. La mort ou l’instant présent comme portes vers une plénitude évanouie ? Il faudra le lui demander.

Frédéric Marty

Jusqu’au 24/11 chez Songe d’Icare la galerie (21 rue Edmond Rostand, 6e).
Rens. 04 91 81 76 34 / 09 62 50 43 03