Rebond à la Biennale des Ecritures du Réel #2
Cultures en mouvement
Un an après la seconde édition de la Biennale des Écritures du Réel, et dans un climat de défiance envers l’autre et de stigmatisation des minorités, le Théâtre La Cité a ressenti le besoin de partager à nouveau des œuvres créées l’an passé. Preuve s’il en faut que la culture est mouvante et, loin de se cantonner au contexte dans lequel elle est pratiquée, crée des vagues comme autant de remous.
L’événement s’affirme d’emblée fidèle aux valeurs dégagées lors des premières éditions de la Biennale : le ton est toujours très poétique, mais surtout politique. Les deux œuvres présentées à nouveau parlent de la communauté Rom dans toute son ambivalence, de sa vie dans le quotidien comme dans les moments exceptionnels, comme pour capter l’énergie si particulière qui se dégage de cette minorité trop souvent réduite à des clichés dégradants. Chakaraka, d’abord, mis en scène par Michel André, décrit l’immersion des auteurs Eric Cron et Sylvain Mavel dans un squat habité par une communauté Rom et sur le point d’être détruit. Malgré l’épée de Damoclès qui plane sur la tête de cette communauté, Charakara — et c’est ce que ce mot signifie — porte sur le plaisir partagé d’être ensemble au détriment des circonstances. Formellement, la performance reste plutôt proche d’une lecture mise en espace.
Ecrit par l’ethnologue Patrick Williams et mis en scène par Xavier Marchand de la compagnie Lanicolacheur, Mangimos, la demande en mariage analyse une demande en mariage dans la communauté rom Kalderash de Paris. Xavier Marchand propose à d’autres Roms de rejouer cette cérémonie, créant comme une mise en abîme qui joue avec les symboles et révèle les codes sociaux. Cette mise à distance exacerbe et sublime ce banquet digne des films de Kustarica, qui se clôturera en fanfare par un concert de l’orchestre tsigane Balamuk Orchestra.
Le Rebond ricoche puisque l’événement devient l’opportunité de se faire la vitrine de la création actuelle : Julien Mabiala Bassilia, qui explore le quartier de Saint Mauront dans le cadre du projet « Chemin Faisant Marseille », donnera une lecture musicalisée de ses textes en cours d’écriture. Pour rappel, « Chemin Faisant » est un projet enthousiasmant de cartographie atypique de Marseille, fruit de résidences d’artistes aux pratiques et démarches hétéroclites.
A la fin du mois, le Rebond sera aussi l’occasion de la projection du documentaire Ce tigre qui sommeille en moi d’Anne Alix, qui suit la réalisation de la pièce de théâtre Frontières, mise en scène lors de la Biennale l’an passé par Karine Fourcy. Cette pièce avait été montée avec des jeunes de différents quartiers de Marseille et partait des difficultés rencontrées au sortir de l’adolescence, au début de l’âge adulte. Les jeunes, âgés d’une vingtaine d’années, avaient été mis face à face avec leurs ambitions, leurs projections. On pensait assister à quelque chose d’un heurt, d’un choc. Cependant, la mise en abîme, dans le film, du rapport au théâtre, rentre dans ce jeu de construction et impacte les jeunes dans leurs questionnements et tâtonnements. Ou comment la vie reprend le dessus…
Estelle Wierzbicki
Rebond à la Biennale des Ecritures du Réel #2 : du 11 au 14/03 au Théâtre La Cité, à la Friche La Belle de Mai et dans le Quartier Saint-Mauron. Rens. : 04 91 53 95 61 / www.theatrelacite.com
Ce tigre qui sommeille en moi d’Anne Alix : le 24/03 au Cinéma les Variétés (37 rue Vincent Scotto, 1er).
Toute la programmation du Rebond à la Biennale des Ecritures du Réel #2 ici