La danse contemporaine s’offre sur trois plateaux cette saison : le Pavillon Noir ouvre grand ses portes à Aix, le Ballet National de Marseille densifie ses activités et le festival DanseM s’ancre tranquillement mais profondément dans la région… (lire la suite)
Aix-Marseille : une académie de danse
La danse contemporaine s’offre sur trois plateaux cette saison : le Pavillon Noir ouvre grand ses portes à Aix, le Ballet National de Marseille densifie ses activités et le festival DanseM s’ancre tranquillement mais profondément dans la région.
C’est l’événement de la rentrée « danse contemporaine » : l’ouverture tant attendue du bâtiment entièrement consacré à la danse sur Aix, le fameux Pavillon noir conçu pour accueillir les activités multiformes du ballet d’Angelin Preljocaj. « L’utopie prend forme. Pour moi, chorégraphe qui écrit sur du vide, volant la matière au néant pour faire vibrer les corps, il n’est d’émotion plus grande que de donner un écrin à la danse. Ainsi, paradoxalement, après dix ans de présence à Aix, on peut avec toute l’équipe du Ballet Preljocaj s’écrier ensemble : tout est bien qui commence bien ! » s’exclame le chorégraphe. 3 000 m2 de danse ouvriront donc leurs portes le week-end du 21 octobre avec des performances de différentes compagnies venues investir et inaugurer le lieu. Le lieu affiche une programmation annuelle riche d’une vingtaine de spectacles, dont quatre créations de Preljocaj : Les Quatre saisons, N, Empty Moves et Noces. Des compagnies reconnues viendront fouler le tout nouveau plateau : ainsi, la toujours indispensable Maguy Marin présentera Umwelt, chorégraphie du temps qui passe basée sur de nombreux accessoires et vêtements. Avec Des gens qui dansent, Jean-Claude Gallotta racontera les histoires de dix danseurs d’âges différents par des mouvements qui se veulent délivrés du spectaculaire et empreints de simplicité. D’autres compagnies devraient mériter le détour, pour le plaisir de les découvrir ou de les accueillir enfin dans notre région[1]. La création locale sera également présente avec la talentueuse Josette Baïz et son Duplex, inspiré par l’univers de Beckett. Jean-Charles Gil et le Ballet d’Europe montreront leurs deux créations : One More time et Un rêve. Les danseurs-chorégraphes de la compagnie Preljocaj proposeront quant à eux leurs travaux dans le cadre des Affluents. Enfin, les manifestations Corps à cœur[2] et Plateau libre[3] tenteront de pallier la terrible absence du feu festival Danse à Aix.
En faisant le voyage de Marseille à Aix pour présenter en novembre Métapolis II, Frédéric Flamand et le BNM scelleront le rapprochement entre les deux cités dans le domaine de la danse, un rapprochement dû essentiellement à l’intelligence de deux chorégraphes aussi différents que talentueux.
A Marseille, le BNM a ouvert la saison à l’Opéra ce week-end en présentant trois joyaux néo-classiques, dont le très animal Sacre du Printemps de Stephen Petronio. Une soirée de très grande qualité même si le néo-classique séduit peu les adeptes du contemporain. « Soyons tolérants, cultivons-nous et réfléchissons à l’histoire du mouvement », semble nous souffler Frédéric Flamand. Le BNM présentera Métapolis II en novembre à la Criée et Silent Collisions en janvier. Mais surtout, le directeur du BNM continuera d’ouvrir l’espace du Ballet par des soirées portes ouvertes, des rencontres et des projets de sensibilisation en invitant créateurs et spectateurs à partager son lieu de travail. Une politique d’ouverture à laquelle le public marseillais commence à s’habituer, mais qui reste novatrice. Soulignons donc encore cette volonté qui montre la danse là où elle ne se voyait pas…
Autre point d’ancrage de la danse contemporaine dans la région : DanseM. Pour la neuvième édition, l’équipe de l’Officina se recentre sur la création régionale. Une halte méditerranéenne qui se tourne surtout vers la rive nord : Marseille, la Provence et les Bouches-du-Rhône. « Primauté à l’ici et maintenant (…) En attendant de fêter notre dixième édition l’année prochaine, avec un projet d’envergure européenne, voici venu le temps de goûter à ces explosions d’imaginaire, retour aux racines et aux rêves d’enfant… », explique Cristiano Carpanini, directeur du festival. Place donc à la création locale et à de multiples disciplines avec tout d’abord la « performance » Tout doit disparaître : paroles d’insectes de Laurent de Richemont : près de sept heures d’exposition humaine où le spectateur est invité dans un lieu en dehors du temps. Une sorte d’opéra de paroles où l’on va et vient librement, où les parleurs donnent corps à leur verbe. Tels des insectes, ils parlent comme ils mangent, se nourrissant de mots. La musique sera également exploitée comme autre support à la danse avec Alon(e) Alon(e). Projet de création entre un danseur indonésien et une artiste varoise, le travail s’articule autour de la notion d’intérieur et d’extérieur et du rapport musique-danse, l’un n’allant pas sans l’autre en Indonésie. Une création originale, dont la finesse reste à découvrir au Théâtre de Lenche. D’autres présentations de travaux locaux exploreront les liens vidéo-danse (Toy toy) ou les rapports danse-sculpture-dessin (La surface de divagation). L’Italie, toujours à l’honneur à DanseM, sera représentée entre autres par trois créations de Giorgio Rossi autour du conte, de l’improvisation et du mouvement poétique. La chorégraphe espagnole Sofia Asencio dansera Santa Sofia, el solo d’una ignorant — le coup de cœur du festival — en racontant son histoire à travers un personnage d’ignorant, quelqu’un qui croit encore aux mystères… Des Tunisiens, des Algériens, des Suisses, des Italiens et d’autres Marseillais viendront compléter la programmation du festival, qui tend à s’imposer durablement aux côtés des plus grands dans la région.
Gageons qu’avec trois pôles aussi différents qu’intéressants pour la danse contemporaine, nous n’ayons plus rien à envier à Montpellier, Paris ou Lyon. Profitons-en et espérons que ça dure…
Eva D (d’Alcatraz)
Notes
[1] Créations de Thierry Baë, Philippe Combes, Philippe Saire ou Jacques Fargearel
[2] Festival créé en 2002. Le Pavillon noir accueillera au printemps une programmation autour de la nouvelle création du ballet Preljocaj et d’autres compagnies proches des préoccupations de ses préoccupations.
[3] Le Ballet Preljocaj mettra à disposition le Pavillon aux compagnies régionales pour la présentation de leurs travaux.