On dirait le Sud
Evénement de la rentrée 2008, l’exposition Van Gogh/Monticelli établit des passerelles entre les deux peintres « du Sud ».
Les écrits d’artistes sont bien souvent un témoignage précieux, une entrée singulière dans la compréhension de la genèse du travail, du rapport entre l’art et la vie, du regard d’un artiste sur ses pairs. La correspondance de Van Gogh avec son frère Théo pendant la période où il se trouvait dans le sud de la France (de 1888 à 1890) abonde de références au peintre marseillais Monticelli. Comme s’il trouvait confirmation, à la lumière du midi, de ce qui l’avait attiré dans l’art de Monticelli, qu’il découvrit dès son arrivée en France en 1886, et qui avait déjà favorisé la réalisation d’une série de bouquets pendant son séjour parisien : « Monticelli prenait quelquefois un bouquet de fleurs pour motif de rassembler sur un seul panneau toute la gamme de ses tons les plus riches et les mieux équilibrés. » (Vincent à Théo, Arles, le 24 mars 1888). En parlant de Monticelli, Van Gogh rend visible un aspect de sa propre quête : l’exploration de la couleur comme un véritable moyen d’expression et pas seulement comme un mode de représentation.
Aussi cette exposition est-elle une tentative, par la mise en relation d’une soixantaine d’œuvres organisée par thèmes (autoportrait, bouquet, nature morte, marine, paysage…), de montrer ce que Van Gogh voyait dans l’œuvre d’un peintre dont il se dit le continuateur. Cette filiation revendiquée par Van Gogh est-elle perceptible dans ses œuvres ? Cette mise en relation motive-t-elle une lecture singulière des peintures de Van Gogh ainsi qu’un autre regard sur les œuvres de Monticelli ? Le traitement de la couleur, de la lumière, mais plus encore de la matière, ainsi que la liberté d’exécution dont fait preuve Monticelli (cf. notamment l’étonnante robe de Madame Pascale) semblent avoir attiré Van Gogh. En même temps, il semble que c’est en explorant la singularité de sa démarche et de son rapport au monde qu’il rencontre, chemin faisant, certaines problématiques picturales présentes chez Monticelli, et qui l’amènent ailleurs. La présentation des natures mortes de Monticelli à côté de celles de Van Gogh (Nature morte aux harengs, Paris, 1886 et Harengs saurs sur un morceau de papier jaune, Arles, 1889) est particulièrement significative de ce point de vue.
La force de cette exposition est de réussir le pari qu’elle s’était lancé, en créant un véritable dialogue entre les œuvres des deux peintres et en soulignant à quel point une œuvre, en étant une nouvelle modulation du langage de la peinture, représente aussi une « réponse à ce que le monde, le passé, les œuvres faites demandaient, accomplissement, fraternité $$Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, Paris, 1960, p. 95.$$. » Et que parallèlement, au lieu de clore un chapitre et d’en ouvrir un autre, une œuvre ouvre un champ ou une dimension dans lesquels l’ordre du sens n’est jamais achevé.
Elodie Guida
Jusqu’au 11/01/09 à la Vieille Charité (2 rue de la Charité, 2e).