Rentrée sur les planches
Ça vient de la rue
Les arts de la rue se taillent la part du lion dans une rentrée comme toujours dense et riche en événements.
On prend les mêmes et on recommence ? C’est en tout cas ce que laisse à penser la programmation de ce mois de septembre, marquée par trois événements qui ont fait les beaux jours de l’été indien les années passées : le festival ActOral (voir p. 9), la nouvelle création de Franck Dimech et le rendez-vous pagnolesque en plein air avec la compagnie belge Marius proposé par le Merlan. Après s’être frotté au minimalisme asiatique avec le sublime Gens de Séoul, 1919 d’Oriza Hirata, le metteur en scène marseillais s’attaque à Kafka en adaptant très librement Amérika ou le Disparu et Description d’un Combat dans Sur la Route d’Oklahoma, qui suit les pérégrinations d’un dénommé Karl — avatar de tous les K. que compte l’œuvre du Tchèque. Quant aux joyeux drilles flamands, après leur adaptation inattendue de la fameuse trilogie sur le Vieux Port il y a deux ans, ils retrouvent la truculence de l’écrivain provençal avec une « rave théâtrale éclairée à la lune » dans les collines d’Allauch, entraînant les spectateurs sur les traces de Jean de Florette et Manon, une dégustation de cuisse de lapin en guise d’entracte et de cerise sur le gâteau.
Septembre marque également l’ouverture d’une saison « arts de la rue » exceptionnelle. La tournée-marathon de la compagnie suisse Les Batteurs de Pavé — qui traversera 1106 kilomètres et huit villes de la région pour livrer une version Macadam de Cyrano —, la quatrième édition de Tremblement de Rue à Gardanne, la onzième de Petit Art Petit (voir p. 9), les désormais traditionnels Rendez-vous Chaud Dehors à Aubagne et, dans un autre registre, Préavis de désordre urbain, le festival de performances initié l’an passé par Ornic’Art, préfigurent un nouveau rendez-vous biennal proposé par Karwan dans les Bouches-du-Rhône. S’inscrivant dans la continuité de L’année des 13 lunes et de l’extraordinaire exposition Le Grand Répertoire-Machines de spectacles, La Folle Histoire des Arts de la Rue propose de retracer les grandes lignes et les petites histoires de cette discipline riche et très ancrée dans notre territoire. Pour cela, cinq compagnies locales investiront chacune une commune pour y présenter au moins trois spectacles de leur répertoire. En parallèle, sorte de fil rouge de la manifestation, un bus-expo de trente mètres carrés sillonnera le département pendant plus d’un mois pour mettre en avant de manière ludique et didactique les points de vue et de formes de cette histoire en train de se construire. Un programme dense et éclectique que viendra admirablement compléter Lieux Publics fin octobre avec la deuxième édition de Small is beautiful, mini-festival destiné à animer pendant tout un week-end les rues de Saint-André, où le Centre National des Arts de la Rue est implanté depuis dix-huit ans.
Sur les planches stricto sensu, si l’on suivra de près les premiers pas du Théâtre Nono, qui inaugure sa première saison avec une création « maison », Le labyrinthe, faisant la part belle au métissage (formel et géographique), l’événement viendra du Théâtre Massalia, dont la programmation automnale préfigure la première édition d’une biennale jeune public. Des compagnies venues de toute l’Europe fouleront ainsi les planches du théâtre phocéen et de son alter ego toulonnais, le Pôle Jeune Public à la Maison des Comoni : un feu d’artifice de propositions en tous genres (danse, théâtre, cirque, marionnettes…) pour fêter les vingt ans du lieu dirigé par Philippe Foulquié. Le jeune public sera également à l’honneur cette année au pôle Gymnase / Jeu de Paume — auquel il convient désormais d’associer le Grand Théâtre de Provence — qui, en parallèle de son traditionnel défilé de stars (Galabru, Lhermitte, l’immense Caubère pour l’épilogue à sa saga autobiographique, le non moins immense Rochefort avec un one man show singulier…), se fera le théâtre de la « transmission » à travers une programmation éclectique (le nouveau ballet de Preljocaj, une série de concerts consacrée à Mozart, le Pinocchio de Joël Pommerat…), mais aussi d’ateliers et d’animations.
Les autres scènes marseillaises et alentours dérouleront leurs programmations en alternant événements (John Malkovitch et Guy Cassier aux Salins, Edouard Baer et Torreton au Théâtre de l’Olivier…) et créations locales, qui en multipliant les cartes blanches (le Centre Dramatique de l’Océan Indien et le Théâtre National Algérien au Lenche), qui en se spécialisant dans les créations (Les caprices de Marianne revus et corrigés par Françoise Chatôt et Notre Dallas par la compagnie L’Individu au Gyptis). A noter que si l’équipe de la Minoterie effectuera une nouvelle saison dans ses murs de la rue d’Hozier, s’engageant toujours plus dans les expressions contemporaines (accueil du Cosmos Kolej, de la compagnie Lesgensd’enface pour une création autour d’un texte de Marie Darrieussecq), La Criée vagabondera dès novembre dans toute la ville, laissant seul son hall ouvert, transformé en cabaret pour l’occasion.
Texte : CC
Photo : Loïc Pipoz