Mémorial des déportations

Résistants, une génération oubliée au Mémorial des déportations

Espace Mémoire

 

À l’heure où les derniers témoins disparaissent, le Mémorial des déportations trône face aux quartiers marseillais détruits en janvier 1943. De quoi se plonger rapidement dans la réalité de l’époque… Visite guidée du Mémorial et zoom sur l’exposition Résistants, une génération oubliée avec Laurence Garson, responsable du lieu.

 

 

Vous êtes peut-être passé de nombreuses fois devant le Mémorial des déportations sans jamais oser y rentrer. Situé au pied du Fort St-Jean, celui qui s’appelait jadis Mémorial des Camps de la Mort a rouvert il y après de trois ans. Aujourd’hui, il se veut lieu de mémoire et de relai, faisant se côtoyer, sur près de 300 m², expositions permanentes et temporaires.

Laurence Garson s’est associée aux projets du Mémorial en 2019 : « L’idée était alors de réfléchir à la réouverture, de penser un lieu fermé depuis 2011. » Il y avait beaucoup d’images, de retranscriptions, de témoignages de personnes rescapées connues et moins connues. La mission première de ce lieu était de proposer un parcours d’interprétation. Pour comprendre la riche histoire marseillaise d’abord, mais aussi les actes de résistance, notamment en situation de déportation. « La survie en déportation, en dehors du facteur chance, amène à réfléchir aux attitudes développées dans des systèmes de terreur et d’humiliations tels que l’ont été ceux de cette période », décrypte Laurence. C’est bien là un des objectifs principaux de ce mémorial : « Ce n’est pas un lieu où vous trouverez un développement historique, mais c’est un endroit qui a pour vocation d’offrir assez d’informations aux jeunes et aux moins jeunes pour comprendre l’histoire. »

Jean-Marc Coppola, adjoint en charge de la culture à la Ville de Marseille, renchérit : « Ce mémorial n’est pas seulement un regard sur le passé mais aussi un regard sur le présent, pour réfléchir au monde dans lequel nous vivons et se rappeler les valeurs de respect, fraternité et solidarité… C’est bon de savoir d’où on vient et ce qui existe. »

L’histoire de sa ville, le Marseillais ne la connait pas toujours. Par exemple, la destruction des quartiers entourant le Vieux-Port en janvier 1943 par les nazis et la collaboration du régime de Vichy qui considéraient Marseille comme une véritable verrue. C’est pourquoi le Mémorial a été pensé comme un parcours évolutif semi-permanent et explorant les dimensions mémorielles, historiques et artistiques. « Le lieu se veut ouvert et dynamique, il continue à se construire, en fonction des sujets d’actualité mais aussi des partenariats complémentaires », précise Laurence. Il faut dire qu’il n’est pas le seul endroit à traiter du thème. On pense aussi au Mémorial du Camp des Milles ou à celui du Pharo sur le thème du débarquement en Provence. Au Mémorial des Déportations, on retrouve nombre de témoignages numériques et audiovisuels. Et à l’étage, l’exposition temporaire Résistants, une génération oubliée.

En 2011, Laurence Garson découvre le travail de la photographe Sand Arty autour de résistants qui habitaient la Région. Un reportage photo et audiovisuel, gros travail d’investigation et de retranscription appuyé par l’ONACVG de Marseille (Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre) et l’AFMD (Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation). Au total, pas moins de seize portraits de personnes résistantes et déportées. « J’ai trouvé intéressant de mettre en valeur les actes de résistance en situation de déportation. Les jeunes étant la cible principale de ce Mémorial, j’y ai vu une opportunité de projection et d’identification de ces jeunes qui avaient à l’époque entre 15 et 18 ans. »

Résistants, une génération oubliée, ce sont donc huit portraits de personnes ayant traversé des situations à la limite du descriptible : Eva, 24 ans ; Georgette, 37 ans ; Nicole, 20 ans ; François, 22 ans ; Marius, 21 ans ; Paul, 21 ans ; Pierre, 18 ans ; Roger, 18 ans, et en fait tant d’autres. Des tranches de vie recueillies à temps puisque les témoins sont aujourd’hui tous décédés. Se souvenir, faire l’effort de, pour ne pas que cela puisse se reproduire. Et, malgré ces efforts pour une prise de conscience, assister quelque part impuissants à une actualité qui a hélas un goût de déjà-vu. Et si fréquenter ces lieux de mémoire et prendre le temps de digérer un sujet en apparence indigeste restait le meilleur acte de résistance aujourd’hui ? Il est en tout cas à notre portée.

 

Charlotte Lazarewicz

 

 

Résistants, une génération oubliée : jusqu’au 31/12 au Mémorial des déportations (Avenue Vaudoyer, 2e).

Rens. : https://musees.marseille.fr