Attention : explosifs !
Déambulant dans les ruelles de Belsunce, passé un panneau « Chantier en construction », on se retrouve pris au piège dans un immeuble bardé d’explosifs. Visite.
Une fois passés deux blocs grillagés signalant l’entrée d’un chantier (dispositif de Pascal Marret et Aurélien Chatain), on découvre plusieurs bancs disposés devant un écran géant qui diffuse un film de La Cellule Anti-Artistes (Non Agréés)®. En poursuivant son chemin, on tombe sur un escalier qui s’enfonce dans l’obscurité : bienvenue dans la dernière installation d’Anne-Valérie Gasc. Accueillie en résidence d’artistes au sein de la Compagnie de janvier à juin, elle propose une opération de minage du bâtiment devant entraîner sa disparition. Souhaitant mettre le doigt sur les enjeux de la politique culturelle municipale à l’heure de sa gentrification annoncée, l’artiste dit « vouloir conquérir un territoire grâce à une attitude offensive directement inspirée des principes de l’armée. » Dans le cadre de l’opération Restricted Area, elle a fait appel à une escouade d’artistes et d’architectes pour l’aider à s’approprier cet espace et vérifier le principe selon lequel « détruire, c’est créer ». Ce qui frappe en regardant autour de soi, ce sont les charges explosives méticuleusement insérées aux endroits névralgiques, câbles reliés au détonateur dans une synchronisation parfaite. Pour l’artiste, pas d’échappatoire possible : « Je m’inscris dans un processus de résistance, j’ai une stratégie militaire à appliquer. » Elle puise son inspiration dans différents textes, dont un en particulier, écrit en 1975 par Michel Foucault, Je suis un artificier. Lorsqu’on la questionne sur l’éventuelle dimension équivoque de ses ouvrages, elle réplique sans sourciller : « Je rends la destruction possible pour remettre en question les fondements établis, lutter contre l’inertie. » Elle sait combien tout cela est éphémère, fragile : « Dans mon travail, il y a une dimension impuissante, quelque chose d’inerte comme la poudre qui n’est pas amorcée. » Car l’artiste joue avec nos peurs archaïques, appuie sur notre part d’ombre, s’intéressant à « la nécessité de détruire réellement ou pas, interroger cette hypothèse au maximum : la possibilité que ça advienne. » A suivre, une mise en scène inédite à la VF Galerie, Boum Blocs, dans laquelle les maquettes qui n’auront pas trouvé d’acquéreur seront détruites in situ par explosion tandis que les autres seront vendues accompagnées de leur dispositif de mise à feu, déclenchable par leur propriétaire « quand et où il veut. »
Olivier Zanettin
Restricted Area. Jusqu’au 1/11 à La compagnie (19 rue Francis de Pressensé, 1er).
Rens. 04 91 90 04 26 / http://www.la-compagnie.org/
Boum Blocs. Du 8 au 23/11 à la VF Galerie (15 boulevard Montricher, 1er).
Rens. 06 08 52 94 17 / www.vfgalerie.com