Retour | Les Arts Éphémères
Recette d’un bonheur éphémère
À l’heure des recommandations, prescriptions et mesures en tout genre, empruntons la rhétorique de la recette le temps de quelques lignes. Nous nous sommes rendus à l’exposition du parc Maison Blanche pour l’édition 2020 des Arts Éphémères.
Choisir une belle journée d’automne entre deux avaries. Bien s’entourer : un (ou deux) adulte(s) — supportable(s), bien entendu… —, volontaire(s) baladeur(s) et amateur(s) de découvertes ; un enfant (pour les plus audacieux, vous pouvez tenter plus) de 0 à 12 ans, qui apportera son regard authentique et curieux sur les œuvres ; éviter l’adolescent récalcitrant pour les raisons que l’on sait…
Régler correctement son GPS ou privilégier les transports en commun, non seulement pour la planète, mais aussi pour les nerfs, soumis à rude épreuve lorsqu’il faut se garer loin, loin… des abords du parc. Éviter le samedi après-midi si l’on ne souhaite pas se retrouver sur les photos de mariage d’illustres inconnus, de prime abord fort sympathiques, mais non moins inconnus…
Accueilli.e.s par l’irridescence de Punctum Saliens de Floryan Varennes — que l’enfant ne manquera pas de renommer « queues de sirènes accrochées dans des arbres » —, laissez-vous aller, de droite ou de gauche, au gré de vos envies flâneuses. Prenez le temps de vous laisser intimider par le platane centenaire qui borde l’allée, si vous prenez à droite. Vous tomberez rapidement sur un plateau multicolore qui vous invite à devenir l’un des pions vivants d’un jeu de société cosmopolite : l’enfant est ravi, et vous aussi !
Le plan d’eau, quant à lui, a largement inspiré les artistes : le collectif Aérosculpture a décidé d’y faire planer son Banc de sardines, Karine Debouzie d’y implanter son inquiétant Rhizome², rebaptisé « le gros poulpe jaune » par l’enfant, tandis que Ruben Dimitrov préfère rester au sec avec Fish Passages, bien que l’on reste globalement sur du poisson.
Quel que soit votre parcours, ne manquez pas la Maison Blanche et ses environs immédiats. Les magnolias sont superbes, même si la floraison printanière est remplacée cette année par de drôles de bourgeons en forme d’artichauts — sacré Covid ! Au pied de la bastide, l’installation interactive Close to you d’Esmeralda Da Costa (il s’agit de répondre à de joyeux appels de l’enfant à travers un entrelacs de tuyaux colorés) côtoie la plus classique mais non moins impressionnante sculpture de Christian Lapie, Avant-Scène.
Accédez ensuite à la terrasse de la bastide pour prendre toute la mesure de la « proxémie », thématique au cœur de cette édition. En toile de fond de ce panorama, une barre d’immeuble, insignifiante en apparence, écrase sa silhouette trapue sous un ciel trop grand ; c’est que l’art et l’actualité nous invitent à ces rapprochements symboliques, à l’approche du 5 novembre, notamment. Au centre, le parc déploie ses vertes ondulations ; Sans-titre, l’ensemble de douze drapeaux blancs et translucides de Marco Godinho, nous rappelle que l’idéal de la cité-monde flotte encore dans un lointain compromis ; plus proche, la Cantine d’Antoine Nessi sera confondue par l’enfant avec un jeu de cage à poule et interrogée par l’adulte dans ses rapports aux matériaux industriels, au passé ouvrier, à ce qu’il y a de mécanique en nous ; à quelques pas, le Rétro-pédalage de Jérôme Stagnaro et Mojumoju vous fait de l’œil… Vous y courez (ou presque) !
Un banal pédalo enduit d’un vernis bleu métallisé ? Non. Une machine à remonter le temps qui produit le son d’une vieille cassette audio que l’on rembobine lorsqu’on actionne le pédalier ? Oui ! Enfant conquis, adulte aussi !
Vous terminerez peut-être votre ballade comme vous l’aurez commencée : au hasard de vos envies, attiré.e.s par la hauteur extravagante de l’arbre au quarante écus, intrigué.e.s par l’installation de Madi, Entre-nous, qui vous aimante pour mieux vous éloigner, ou par L’Aventure de l’incontournable Christian Baquié… Mais plus vraisemblablement encore, vous serez impitoyablement traîné.e.s jusqu’à l’aire de jeux par l’enfant, où vous découvrirez l’énième originalité de ce parc décidément plein de ressources : la buvette à l’architecture kitscho-féérique qui n’a rien à envier aux œuvres environnantes.
Antoine Nicoud-Morabito
Les Arts Éphémères étaient présentés du 30/09 au 13/10 dans les salons et le parc de Maison Blanche.
Rens. : https://arts-ephemeres.fr/
À suivre :
– Baptiste César : jusqu’au 25/10 au Centre Intercommunal d’Art Contemporain d’Istres.
– Guillaume Stagnaro : du 14 au 23/11 à la Villa Tamaris (La Seyne-sur-Mer)