Autopsie - Monologue pour une comédienne sans travail de Geoffrey Coppini

Retour sur la soirée monologues au Théâtre Joliette

Monos stéréo

 

Le Théâtre Joliette a eu la bonne idée de programmer deux monologues de comédiennes en une soirée.

 

On passe d’un univers à l’autre et sur certains plans, ces univers se parlent et nous disent des choses à nous, spectateurs de théâtre. Des choses sur le métier de comédienne et sur celui du « métier de vivre » pour une femme dans un monde où ce sont les hommes qui font la loi. Ces univers sont le siège d’un dilemme énergétique.

Dans Autopsie-Monologue pour une comédienne sans travail de Geoffrey Coppini, Irina Solano, drôle et parfois touchante, semble hantée par une figure masculine présente sur le plateau, tout de noir vêtue, le visage dissimulé derrière un masque tendance sado-maso. Il la coiffe, la maquille, l’habille, lui sert de partenaire et l’autopsie, tandis qu’elle répète Hedda Gabler d’Ibsen, joue du piano, passe du français à l’espagnol sous les auspices d’Hitchcock et d’Almodovar. Il y a de la solitude, de la folie, mais aussi de la farce dans la transformation de la femme en une créature théâtrale un peu pute qui, ne pouvant utiliser une énergie en quête de conversion, l’éradique en se suicidant pour finir en beauté.

Dans Aglaé de Jean Michel Rabeux, où les spectateurs sont installés comme sur un plateau de télé-réalité, Claude Degliame incarne la figure d’une prostituée qui a toujours aimé ça et qui l’assume fièrement. Et finir en beauté pour elle, c’est continuer à « sucer des bites à soixante-dix ans ». Aglaé possède un savoir immense sur les hommes, la vie, l’amour, elle a aussi un humour radical. Ce n’est pas ce qu’elle raconte qui est le plus intéressant, mais comment elle le raconte. Irréductible et mélancolique, Claude Degliame irradie ce personnage de femme qui s’affirme corps vivant et insoumis. On a là une comédienne au talent immense, un monstre de théâtre qui attrappe le spectateur et l’entraine durant une heure, dans les souvenirs d’Aglaé avec sa voix frémissante et rocailleuse, son corps qui semble passer par tous les âges de la vie. Il y a quelque chose de troublant à en oublier totalement que c’est une actrice qui est là. L’énergie d’Aglaé se confond avec celle de la comédienne ; elles ont, chacune à leur manière, trouvé le moyen de l’employer.

 

Olivier Puech

 

La soirée monologues avec Autopsie de Geoffrey Coppini avec Irina Solano et Aglaé de Jean-Michel Rabeux avec Claude Degliame était présentée du 8 au 10/11 au Théâtre Joliette.