Retour sur le festival Tendance Clown
On a surtout tendance à rire
Ça s’est passé près de chez vous et vous le saviez. On avait dit que ce serait marrant et ce fut le cas. La dernière édition du festival Tendance Clown a tenu toutes ses promesses (ou presque). Retour sur un événement désormais incontournable de la scène marseillaise.
Turlututu, l’heure du bilan a sonné. Chapeau pointu, on a bien rigolé — enfin pas toujours. Commençons donc par un ratage avec celle qui anime brillamment les cabarets clown du Daki Ling et qui a peut-être voulu briller trop fort en rock star, chanteuse comique engagée dont les mimiques traditionnellement efficaces et l’improvisation bafouillante n’ont pas pallié un spectacle assez décevant. Gageons que Prozband saura redresser le tir. Deux spectacles de rue ont bien joué le rôle attendu en ouverture du festival, allant directement à la rencontre du public et incitant à connaître la suite. On a pu voir tout d’abord Yann Ecauvre (Compagnie As pa de Maïoun) en terroriste acrobate sautant avec ses bouteilles de gaz et autres bombes géantes sur son trampoline, exécutant d’étonnantes prouesses aériennes et effrayant les enfants. Très drôle ! Le lendemain, le Tony Clifton Circus en remettait une couche en révélant la face de l’enfant cachée dans l’adulte, via un enchaînement de numéros stupides et drôles à ne reproduire sous aucun prétexte, avec en final un grand classique à la crème qui fit rire (un peu jaune) l’assistance. Le rire jaune était aussi à l’affiche de Collier de nouilles, pour les enfants, leurs mamans et leurs instit’. Les autres se sont régalés d’une satire très juste, presque trop réaliste, sur le cadeau de la fête des mères en milieu scolaire, présentée par une veille fille conférencière qu’on imaginerait guide au Musée du canevas, et un Kevin en emploi aidé très caricatural. La visite commentée d’œuvres d’art en nouilles collées nous a révélé les dérives de cette tradition.
Sur un versant plus politique, on est allé passer One Day à la Bobitch avec le clown de Boris Arquier, également Dj et beat-boxeur de talent, qui nous a transportés dans son univers futuriste, entre le 1984 de Georges Orwell et le Soleil Vert de Richard Fleischer. Ce gentil clown à moustache nous a beaucoup émus de sa présence presque sénile de petit vieux retraité dont on veut se débarrasser, après de nombreuses dizaines d’années de bons et loyaux services, dans une maison de retraite plus blanche que ça tu meurs !
On enchaîne avec les dérives du système capitaliste et l’absurdité à son paroxysme. Quand la Compagnie n°8 s’en mêle, c’est l’apothéose du genre : bouffonneries, mimes, grimaces, extase suprême, désespoir profond, violence extrême… tout y passe. Les trois larrons explorent, se lâchent, oublient les codes et composent d’hilarants tableaux.
Pour parachever ce joyeux tableau de famille, le cabaret des Licedei, composé des tous derniers « nez » de la troupe rousse, est venu clôturer le festival. Petit clin à Harry Stork, invité au cabaret, vrai clown de présence à qui il suffit d’agiter des pinces à linge du bout des oreilles sur fond de Carmina Burana ou de lire des poèmes de son chien pour nous faire mourir de rire.
N’oublions pas de saluer la politique de soutien que conserve le festival en invitant de jeunes compagnies locales, ainsi que des artistes encore en formation comme c’était le cas pour la soirée master class de l’école de clown parisienne du Samovar, lors de laquelle nous avons pu apercevoir le talent déjà prometteur des nouveaux Ulk à chemise à fleurs, nabots à propos et magiciens d’opérette de la future scène clownesque.
Une note triste dans cette tendance joyeuse : l’adieu aux anciens Abattoirs de Marseille, espace singulier qui accueillit à plusieurs reprises le festival, et qui se tourne à présent vers la Mecque. Espérons que d’autres lieux atypiques sauront prendre le relais. Inch’Allah !
Texte : Yves Bouyx / Coline Trouvé
Photo : One Day à la Bobitch © Massimo Baesi
Le festival Tendance Clown s’est tenu du 30/04 au 23/05 à Marseille