Rétrospective Friedkin Connection
Apprenti sorcier
Sur une proposition d’Olivier Puech, le Vidéodrome 2 accueille le second volet de la rétrospective consacrée à William Friedkin, l’un des derniers grands cinéastes américains en activité, dont l’œuvre reste aujourd’hui encore insaisissable.
Dans une époque de normalisation digitale, de standardisation numérique, tout cinéaste inclassable, dont on ne parviendrait toujours pas à en dessiner les contours, est devenu denrée rare. A fortiori dans le système actuel de production hollywoodienne, dans un pays où la notion même de cinéaste indépendant ne signifie plus grand chose — il suffit de le constater chaque année à Deauville. « Le cinéma américain a changé ces dernières années, car il s’agit avant tout de gagner de l’argent. Pas de faire des films. L’idée même du cinéma aux États-Unis est une blague aujourd’hui, c’est juste faire du pognon. » Ces mots sont prononcés par l’un des derniers grands cinéastes de l’histoire américaine, William Friedkin. Si sa carrière démarre dans les remous du Nouvel Hollywood, impossible pour autant de réellement l’associer à cette prise de pouvoir des auteurs sur les grands studios. Le fil d’Ariane cinématographique du cinéaste est en tous points emmêlé, son parcours chaotique, ses œuvres hors norme : un seul éclairage le distingue, celui d’une exploration de l’âme humaine sans concession, sans détours, fixée sur les aspects les plus sombres de notre nature commune. « Je fais des films à cause de ce chien noir qui est au-dessus de ma tête et qui me surveille », précisait-il dans les années 80. Cinéaste autodidacte et particulièrement cultivé, William Friedkin reste un touche-à-tout mystérieux et brumeux, dont les films développèrent une vision très personnelle de l’altérité, brouillant les pistes du réel et de l’imaginaire, marquant son obsession pour la métaphysique de l’âme. Sur une proposition du cinéphile Olivier Puech, l’équipe du Videodrome 2 propose depuis le 29 janvier une grande rétrospective de l’œuvre de William Friedkin, dont le second volet se déroulera du 12 au 16 février, au sein de l’exaltante salle du Cours Julien. Une occasion unique de développer les regards sur la filmographie protéiforme du réalisateur de L’Exorciste. À commencer par The Birthday Party (L’Anniversaire), adapté de la pièce d’Harold Pinter, traité des peurs irrationnelles dans un environnement cher au cinéaste, le huis clos. Suivra l’une des pièces majeures de l’œuvre de Friedkin, Le Convoi de la peur (Sorcerer), qui bénéficie, depuis sa restauration en numérique, d’un éclairage nouveau, quarante ans après son échec retentissant en salles. Cette adaptation cauchemardesque du Salaire de la peur fut, dans sa fabrication, une allégorie même du parcours du cinéaste. Autre opus incontournable de sa filmographie, The People vs Paul Crump, documentaire qui changea le cours de l’histoire pour son personnage principal, condamné à mort, marque l’obsession filmique de William Friedkin dans la représentation du réel. Quatre opus programmés au sein de cette magnifique rétrospective achèveront d’embrouiller les pistes du « mystère Friedkin » (L’Enfer du devoir, Police fédérale Los Angeles, La Chasse et French Connection), mais permettront au public de prendre pleinement conscience d’une œuvre inclassable.
Emmanuel Vigne
Rétrospective Friedkin Connection : du 12 au 16/02 au Vidéodrome 2 (49 Cours Julien, 6e).
Rens. : www.videodrome2.fr
Le programme complet du cycle Friedkin Connection ici