Rétrospective Jean-Pierre Melville
Mauvais genre
La rétrospective Jean-Pierre Melville, initiée par Cinémas du Sud, tourne au sein des salles régionales depuis mars, et s’achèvera le 14 juin. L’occasion de (re)découvrir, en copies numériques restaurées, le geste cinématographique d’un immense réalisateur.
Il est difficile d’imaginer aimer le cinéma sans admettre que quelques-unes de ses plus belles pages furent élaborées dans l’esprit de la théorie des genres telle que l’évoquait Aristote. Le genre cinématographique, dans certains cercles, confinait au gros mot, et posait là une boîte de Pandore artistique que l’on ouvrait parfois en se pinçant le nez. L’essence même de la création y est pourtant affrontée : on ne crée jamais aussi bien que sous la contrainte. Dans le code du genre, il y a irrémédiablement en filigrane l’explosion des codes. C’est tout l’intérêt de l’exercice, qui ouvre un champ d’expérimentations abyssal. S’il est un cinéaste français à avoir poussé dans de vastes contrées cette subversion du genre, il s’agit bien de Jean-Pierre Melville. Grand admirateur du film noir hollywoodien des années 30 — genre sémillant du cinéma américain —, le cinéaste a su dans son œuvre détricoter ses mécanismes pour parvenir à une épure qui fit maintes fois école (chez Godard d’abord, chez Jarmusch ensuite). La sortie en salles d’une poignée de chefs-d’œuvre de Melville, en copies numériques restaurées, a donné l’idée à Cinémas du Sud d’un cycle cinématographique dont les salles régionales se sont emparé. Nous l’avons souvent évoqué dans ces colonnes, l’association marseillaise, qui coordonne de nombreuses salles de PACA sur des projets spécifiques et travaille à la diffusion d’un certain cinéma d’auteur, propose chaque année divers cycles du répertoire, facilitant la circulation de copies et proposant la venue d’intervenants afin enrichir les séances. Dont acte avec ce nouveau cycle Melville qui, démarré en mars, se prolongera jusqu’au 14 juin, disséminé dans la région, dont au Gyptis fin mai. Revoir Le Samouraï, élégie criminelle stylisée et épurée à souhait, ou Le Cercle rouge, chef-d’œuvre ultime qui réunira Alain Delon — l’un de ses acteurs fétiches —, Gian Maria Volontè, Yves Montand et Bourvil, nous permet de prendre toute la dimension cosmogonique d’une filmographie brillante et inspirée.
Emmanuel Vigne
Rétrospective Jean-Pierre Melville : jusqu’au 14/06 dans les salles de Cinémas du Sud.
Rens. : www.cinemasdusud.fr
La programmation complete de la retrospective Jean-Pierre Melville ici