Les Rois de la piste © Bernard Duret

Retour sur Les Rois de la piste de Thomas Lebrun au Théâtre du Merlan

La fièvre du samedi soir

 

Le Merlan présentait la dernière création de Thomas Lebrun, Les Rois de la piste. L’occasion de faire le point sur un chorégraphe engagé, qui est devenu un élément incontournable de la danse contemporaine.

 

Dans The Show must go on de Jérôme Bel (2005), des amateurs se réunissent sur scène pour danser une série de tubes connus de tous. Chacun exprime le prolongement de soi dans des attitudes et des gimmicks qui lui appartiennent et ce qui nous renvoie un désordre apparent exprime en fait l’avenir de la danse, comme un prolongement du public et une furieuse envie de monter sur scène. Jérôme Bel aime sortir le corps de l’académisme et du stéréotype de la jambe agile, du ventre plat et du port de tête. Tout un chacun devient le chorégraphe d’un soir et propose une sociologie de la danse qui absorbe le théâtre dans un élan novateur et sincère. Chez Thomas Lebrun, c’est l’exact opposé qui nous est présenté. Les danseurs possèdent une agilité caméléon qui les amène à changer de costumes et de variations de pas à la vitesse de la lumière. Les tubes, qui se succèdent, deviennent un show de haute volée où le corps rentre en extase jusqu’à la transe. Tout est millimétré, compté, travaillé, ajusté. Le danseur devient un transformiste, une bête de scène dans un one man show poussé à l’extrême, traversant la nuit jusqu’au petit matin, traversant les genres du rire au malaise. Les Rois de la piste est une représentation postmoderne de ce qui nous a constitués et que nous avons refoulé dans un musée du souvenir oublié. Les fous rires laissent la place à la nostalgie et au regard acide d’un monde où l’hétéro et l’homo affichent leur identité dans une compétition sans merci. Plus tard, les corps se retrouvent dans une unité fraternelle où le beat s’estompe et convoque une forme d’apaisement. Les pensées et les sentiments s’échappent dans une rêverie participative, parce qu’il faut bien conclure. De cette performance qui nous est proposée, des sentiments ambigus nous étreignent, mais la force de proposition ne peut pas laisser indifférent.

 

Karim Grandi-Baupain

 

Les Rois de la piste de Thomas Lebrun était présenté les 28 et 29/03 au Théâtre du Merlan à Marseille.

Pour en (sa)voir plus : www.ccntours.com/thomas-lebrun/parcours