ROMANZO CRIMINALE – (Italie – 2h28) de Michele Placido avec Kim Rossi Stuart, Anna Mouglalis… (Int. – 12 ans)
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, mais on rêve de changer le monde à sa manière… Quatre jeunes romains qui se connaissent depuis l’adolescence vont devenir les parrains survoltés des années de plomb italiennes. Le script a beau être issu d’un livre lui-même inspiré par des faits réels, l’ensemble n’en reste pas moins convenu : apogée, mégalomanies, trahisons à la pelle, meurtres… Avec l’impression dominante d’un film long et bancal… (lire la suite)
Du plomb dans l’aile
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans, mais on rêve de changer le monde à sa manière… Quatre jeunes romains qui se connaissent depuis l’adolescence vont devenir les parrains survoltés des années de plomb italiennes. Le script a beau être issu d’un livre lui-même inspiré par des faits réels, l’ensemble n’en reste pas moins convenu : apogée, mégalomanies, trahisons à la pelle, meurtres… Avec l’impression dominante d’un film long et bancal.
Si la première partie donne à suivre (d’un œil plus ou moins distrait selon les moments) le chemin parcouru par les protagonistes, la deuxième nous concocte une série d’ubuesques histoires d’amour, mâtinées de règlements de compte et de considérations politiques, que l’on soupçonne d’arriver comme pour (faussement) pallier un réel manque de scénario et de rythme. En effet, le temps passe et les débuts de 1977 laissent place à de nouvelles donnes en matière de gestion cocaïnesque. L’industrie de la drogue s’adapte sans vergogne aux principes du capitalisme (un peu à l’image du pétrole, on inonde une ville ou on la sèvre pour faire monter les prix), les politiciens côtoient et se servent des trafiquants pour éliminer leurs adversaires, on assiste à une montée de vagues terroristes, etc. Puis le mur de Berlin tombe et l’Italie gagne la coupe du Monde de football. Autres mœurs dorénavant, celles du libéralisme, du loisir à outrance et d’une intimité encore plus abjecte entre l’argent de la dope, celui de la finance et celui des gouvernements…
Dans une absence étrange de temporalité (les personnages ne vieillissent pas, leurs costumes varient peu, idem pour la musique), Romanzo Criminale ressemble à un pêle-mêle. Tant et si bien qu’on ne saisit pas bien la portée de ce scénario futile. On se demande à quoi peut bien servir cette histoire de criminels… On pourrait répondre : à quoi servent la plupart des films ? Certes… Mais, à la différence d’autres ratages plus ou moins involontaires, cette bifurcation dénonciatrice des dérives politico-mafieuses anti-drogue (le film rappelle aussi vaguement Traffic) suppose une vraie volonté de la part de Michele Placido à étirer son propos accusateur et à ne pas faire un simple film de gang. Il n’est pas anodin d’avoir évoqué autant de points impurs. Pourquoi donc les reléguer en seconde zone ? Pourquoi n’est-ce pas le support du film ? Son aboutissement, sa ligne rouge ? L’ensemble aurait été largement plus cohérent et plus prenant…
De fait, Romanzo Criminale est malheureusement encore un film dans l’air du temps, c’est-à-dire noyé dans de trop nombreux consensus.
Lionel Vicari