RoS Indexical (2007) & Spiraling Down de Yvonne Rainer

Monstre sacré du printemps

Attention, événement : Yvonne Rainer, le monstre sacré de la danse expérimentale new-yorkaise, vient pour la première fois à Marseille. Ancienne élève d’Anna Halprin — tout comme Simone Forti, vue l’an dernier, aussi grâce à MOD — de Martha Graham et de Merce Cunningham, elle est l’un des membres fondateurs de la Judson Church Theater, et l’un des plus iconoclastes aussi. Chorégraphe post-moderne donc, mais pas que. Surtout pas.

Yvonne Rainer, vous l’aurez compris, est de ces âmes qui font révolution, de ces révolutions profondes, évidentes. Artiste en rupture avec la danse moderne dès les années soixante, elle est la première à envisager en soi le geste quotidien comme geste artistique potentiel. Ainsi, le non-danseur devient danseur, le mouvement-action est hissé au pinacle de son esthétique, et la frontière entre le monde de l’art et du réel devient de plus en plus floue. Le vocabulaire qu’elle utilise est celui d’actions basiques à réaliser : marcher, courir, transporter des objets… La danse devient performance. Un acte. Une situation.
Pour sa première venue dans la cité phocéenne, Marseille Objectif DansE propose trois soirées consacrées à ses deux créations les plus récentes, ainsi qu’à la projection d’un de ses films, The man who envied the woman. C’est que la (grande) dame aime davantage la vie que le mouvement. Dès 1974, elle se tourne vers la réalisation, brouillant — une fois encore — les pistes documentaires et fictionnelles, juxtaposant les images pour créer de nouveaux chemins, faisant de la coïncidence la source de nouvelles formes et de sens nouveaux.
Revenant à ses premières amours dansées, elle choisit avec RoS Indexical de revisiter le mythique Sacre du Printemps de Nijinsky, qui sema la panique et la colère du public en 1913. En proposant une nouvelle version avec un quatuor d’interprètes de trente à soixante ans, aux qualités différentes, la chorégraphe américaine cherchera encore, à 75 ans, à faire trembler nos canons esthétiques, en bousculant nos conceptions du raffinement de la danse et nos propres codes de représentation.
Dans un deuxième temps, l’étonnant Spiraling Down sera l’occasion de réunir — entre autres — Fred Astaire, Pierre Boulez, Sarah Bernhard, Facebook et des photos anti-guerre tout à la fois, en proposant des « séquences indéterminées » pour le moins improbables. Imprévisible donc, mais à prévoir absolument dans vos agendas. La situation (performative) n’attend pas, mais est surtout là où on ne l’attend pas… Just do it.

Joanna Selvidès

Yvonne Rainer – RoS Indexical (2007) & Spiraling Down (2008) : les 7 & 8/05 à 21h à la Cartonnerie (Friche la Belle de Mai – 41 rue Jobin, 3e). Rencontre avec l’artiste et projection du film The man who envied women le 6 à 19h à la Salle Seita.
Rens. Marseille Objectif Danse : 04 95 04 96 42