Sam Karpienia : Extatic malancòni
Solo collectif
Après les aventures Gacha Empega et Dupain, qui avaient révélé l’une des plus grandes voix à s’être élevée de Marseille, Sam Karpienia est de retour sous son propre nom. Son projet le plus personnel ? Pas sûr…
Pour beaucoup, la naissance de Sam Karpienia, l’artiste, remonte au milieu des années 90. Gacha Empega : un trio polyphonique mais pas académique, partagé avec Manu Théron et Barbara Ugo. Truc de puristes accrochés à la tradition ? Non : on boit, on chante, on prend la route. Et ça dure ce que ça dure, comme les météorites. Pour d’autres, la naissance de Sam, sa reconnaissance médiatique, c’est Dupain. Autre projet, autres amis, des musiciens cette fois-ci : vielle à roue et batterie donnent le pouls d’une musique inédite, née en Méditerranée mais grand ouverte sur le monde. Trois albums dont la qualité va crescendo, l’aventure s’achevant pourtant dans la désillusion : à force de jouer hors des cadres, on (se) lasse. Retour à la case départ en 2006 : Port de Bouc. Sam prend son RMI en pleine poire, mais dans sa ville de toujours, il y a ce vieil ami qui « le pousse au cul », Daniel Gaglione. Il joue de la mandole, mais pas comme tout le monde : si besoin est, il l’amplifie, pour la faire sonner comme une guitare. Sam est un peu pareil : il chante, mais pas comme tout le monde. Nourri au flamenco, son organe est unique, dément, et pour filer la métaphore, il le brandit comme son sexe, à l’image d’une expression méridionale bien connue des forts en gueule, avec toute la fierté, la puissance et le relâchement que cela présuppose. Alors pourquoi s’en tenir là ? Les choses prennent forme, et on parle d’abord du « Sam Karpienia Trio », avec Bijan Chemirani aux percussions. Mais de carte blanche (à la Meson, où il rencontre l’équipe du jeune label Dfragment) en concerts avec invités, Sam sait bien que si la dynamique est collective, il reste l’épicentre du projet. Et assume enfin : « si ce projet porte mon nom, c’est parce que j’envisage un travail sur le long terme, et que ça me laisse la possibilité de refaire d’autres disques avec d’autres artistes ». On pourrait penser, à en juger par son parcours, que Sam essaie depuis quinze ans de faire avancer la cause des musiques traditionnelles, de lui donner sciemment de nouvelles perspectives. Pourquoi pas : avec Moussu T, il est sans doute le seul à avoir façonné, à Marseille, une musique aussi enracinée qu’universelle. On pourrait penser, aussi, que deux mandoles et une batterie en mode « power-trio », c’est une sacrée bonne idée qu’il fallait aller chercher. Pourquoi pas : il y a plus d’énergie dans un concert de ce groupe que dans bien d’autres étiquetés « rock » à dimension méridionale… La vérité est pourtant bien plus simple : Sam compose avec ceux qui croisent sa route, et avec qui il partage des choses – on ne parle plus seulement de musique. Extatic malancòni, son nouveau disque enregistré au Nomad’Café, est produit par Otisto 23, réputé pour son travail dans le jazz et l’électro ? Point de calcul : une rencontre. « J’aime bien l’idée de faire confiance, d’une manière générale et dans mon travail. J’ai besoin des autres pour travailler ». En somme : Extatic malancòni est le substrat d’un homme qui n’avance que dans sa confrontation à l’autre, citant le concept de créolisation cher à l’écrivain Edouard Glissant (« un mouvement continuel d’enrichissement au contact des autres cultures »). Comme le morceau éponyme le traduit si bien, Extatic malancòni est aussi l’œuvre d’un homme qui, finalement, n’a besoin ni du français ni de l’occitan pour se faire entendre des autres, traduire une émotion. Et renaître encore, indéfiniment.
Texte : PLX
Photo : Patrice Terraz
Extatic malancòni (Dfragment/L’Autre Distribution)
En concert le 24/10 à la Fiesta des Suds (avec Otisto 23 en support)
www.myspace.com/samkarpienia