Sans tambour ni trompette, certes, mais pourquoi donc ?
Un jour, j’ai sauvé une petite fille de la noyade — même si ça compte pas vraiment, parce que j’avais pied. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup, car l’eau et moi ça a toujours fait deux. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des histoires d’eau compliquées ; peut-être annonciatrices d’histoires d’O futures tout aussi compliquées, mais là je m’égare. Aujourd’hui, même si je ne suis toujours pas comme un poisson dans l’eau, dans l’eau, je ne me dégonfle plus lorsqu’on me propose une activité balnéaire. Comme celle, j’y reviens, qui me permit de sauver, toute proportion gardée, une petite fille en mauvaise posture marine. Ce jour-là, comme un seul homme, faisant fi de mes réticences aquatiques, je secourus cette petite sirène qui n’avait pas le pied marin, mon seul courage en bandoulière, à l’insu des badauds (ivres de soleil et d’eau salée), sans tambour, ni trompette… Rapportant quelques jours plus tard à une amie, avec la satisfaction du devoir accompli, cette pathétique anecdote qui n’avait visiblement pas fait vibrer sa corde sensible, icelle y mit un bémol, en me demandant les tenants et aboutissants de cette expression à connotation musicale. Je m’empressai de lui expliquer, histoire de lui clouer le bec (à flûte), que jadis les soldats partaient à l’assaut de l’ennemi honni accompagnés de musiciens, avec tambours et trompettes, « censés » donner du baume au cœur à ceux qui allaient au front et casse-pipe. En cas de déroute, quatre pelés et un tondu rentraient têtes baissées, le cor entre les jambes, sans tambour, ni trompette, bien évidemment. Subséquemment, aujourd’hui, lorsqu’on fait quelque chose sans instrument à vent ou percussif, on le fait discrètement et sans forfanterie. C’en fut fini des railleries de mon amie à qui je venais de prouver une fois de plus que je connaissais la chanson. Et qui la mit définitivement en sourdine.
Henri Seard