Pour son douzième CINEvènement, l’équipe de la Friche convie Peter Biskind, auteur de deux récents best-sellers sur le cinéma américain : Sexe, mensonge et Hollywood (sur le cinéma outre-Atlantique des deux dernières décennies) et surtout Le Nouvel Hollywood, qui s’attache à décortiquer la prise de pouvoir des mythiques studios, dans les années 70, par une armada de réalisateurs. Des cinéastes aux dents longues, mi-beatnicks, mi-yuppies, qui allaient révolutionner le visage de la production nationale, voire mondiale. Lors de cette soirée exceptionnelle, Peter Biskind reviendra sur cet événement majeur de l’histoire du cinéma, qui connaît aujourd’hui une fin de règne toute en déliquescence… (lire la suite)
Pour son douzième CINEvènement, l’équipe de la Friche convie Peter Biskind, auteur de deux récents best-sellers sur le cinéma américain : Sexe, mensonge et Hollywood (sur le cinéma outre-Atlantique des deux dernières décennies) et surtout Le Nouvel Hollywood, qui s’attache à décortiquer la prise de pouvoir des mythiques studios, dans les années 70, par une armada de réalisateurs. Des cinéastes aux dents longues, mi-beatnicks, mi-yuppies, qui allaient révolutionner le visage de la production nationale, voire mondiale. Lors de cette soirée exceptionnelle, Peter Biskind reviendra sur cet événement majeur de l’histoire du cinéma, qui connaît aujourd’hui une fin de règne toute en déliquescence.
Comme le soulignait Dubuffet, faire la révolution, c’est retourner le sablier. Telle est l’illustration de ce que vécut l’industrie cinématographique américaine dans cette folle décennie, les seventies, bousculée par un séisme artistique défini par ce raccourci simpliste : Le Nouvel Hollywood. Exit les dinosaures encore empreints d’un âge d’or révolu, profondément éloignés des aspirations d’une génération en quête de libération. Libre, maître mot d’une époque affamée de nouveaux repères où les codes scénaristiques (figure du héros) et techniques (caméra à l’épaule) s’en trouveraient bouleversés, donnant corps à un néo-langage cinématographique qui, trente ans plus tard, a toujours cours. Face à l’usure (artistique, commerciale) des productions de grands studios telles la Warner ou la Fox, Hollywood, fragilisée, s’est laissée envahir par une poignée de jeunes réalisateurs assoiffés dont les ambitions libertaires étaient bel et bien de pirater le système, de l’intérieur. C’est ainsi qu’en mettant le pied à l’étrier aux Coppola, De Palma ou Scorsese, les nababs hollywoodiens se tiraient une balle dans la jambe. Car les temps changeant, et telle est la vraie révolution, les réalisateurs choisissaient dorénavant leur studio pour faire un film, et non l’inverse, s’accordant dans certains cas une liberté d’user de leur budget, voire de maîtriser le final cut (tout contrat passé pour un film entre un réalisateur et un studio accorde à ce dernier le droit d’en modifier la fin). Un film qui fut en quelque sorte le détonateur et l’illustration parfaite de cette prise de pouvoir est le Bonnie and Clyde d’Arthur Penn. Deux héros mus par une recherche totale de liberté canardaient à tout va l’image d’une Amérique vieillissante. Puis vinrent Easy Rider, Le parrain, Boxcar Bertha, M.A.S.H, Lucas, Spielberg, Zoetrope et les années 80. Une ribambelle d’artistes nourris autant aux films de Dmytryk qu’à ceux de la Nouvelle Vague française, qui n’hésitaient pas à assumer une filiation directe, en l’occurrence celle du grand Corman. Une génération réunie parfois sous la sempiternelle bannière « Sex, drugs and rock’n’roll », conduite en coulisse par la férocité d’un Coppola, qui mieux que les autres, comprit très vite l’importance de maîtriser les outils de création via une totale autonomie financière. Lucas et Spielberg suivront bientôt la même logique. Cette révolution culturelle ne se faisant pas sans heurts avec les derniers géants des studios, le rôle des intermédiaires, employés par les majors mais en contact permanent avec les cinéastes, fut souvent décisif. On pense ainsi à « Bob » Evans (personnage central du récent et très bon documentaire The kid stays in the picture), qui eut le nez et le génie de soutenir (et parfois sauver) la carrière des Polanski, Altman ou Coppola derechef. Or ces héros d’hier ne sont plus que les fossoyeurs du cinéma US d’aujourd’hui. Les derniers grains du sablier évoqué par Dubuffet viennent de s’écouler, et le cinéma hollywoodien rencontre aujourd’hui une crise (artistique, commerciale) quasi à l’identique de celle rencontrée dès la fin des sixties. Spielberg s’est depuis longtemps étouffé dans la surenchère, Coppola se vautre dans la consanguinité cinématographique, Polanski est mort le jour de son exil et Dennis Hopper a échangé sa Harley contre le bus de l’affligeant Speed. 2006 : Hollywood attend toujours sa nouvelle révolution.
Sellan
CINEvènement # 12. Le 18 dès 19h au nouveau restaurant de la Friche la Belle de Mai.