Accords en temps de paix

La salle Émilien Ventre du Rousset programmait, le temps d’une soirée, une scène partagée avec quatre compagnies émergentes. L’occasion de découvrir des extraits de leur répertoire et de faire le point sur le devenir de la danse contemporaine.

Comment élaborer un alphabet qui nous transporte vers une création singulière ? La difficulté du jeune chorégraphe réside dans cet aller-retour permanent entre ce qu’il a appris de son passé de danseur et ce qu’il désire pour son futur en tant qu’auteur. Pour ces quatre propositions, certaines similitudes nous sautent aux yeux. D’abord un synopsis, en forme de point de vue, qui sert de trame et emprisonne le mouvement malgré lui. Ensuite une permanence de la bande son qui annihile le silence et la douceur d’un déroulé du pied. L’enjeu est de taille et seul le temps peut exercer son œuvre pour déshabiller, patiemment, le trop plein d’images et de contenu. Ce qui est certain, c’est que la technique et le corps agile ne sont pas garants de la pertinence d’un ensemble. Pourtant, ici et là, des esquisses déroulent une fluidité que l’on a envie d’étirer jusqu’à l’infini, à la manière d’un tempo qui trouve son rythme de croisière et nous transporte dans un relâchement proche de l’accomplissement. Les interprètes trouvent leur place au milieu du groupe en exprimant leurs différences et le contraste des attitudes devient un jeu qui construit une humanité où chacun revendique son identité. Comment exister au milieu des autres ? Comment s’affranchir de sa timidité ? L’approche devient un jeu de séduction, une aire d’interrogations, un canevas d’attitudes. La géométrie de l’espace n’échappe pas à l’esthétique relationnelle. Qu’est-ce à dire ? Que tout rapprochement se monnaye et se négocie. Rien ne peut plus surgir de nulle part sans une volonté collective. C’est là que repose le nœud central du problème. On aimerait voir naître l’existence d’un conflit propice à une situation explosive qui libère la parole et sort le danseur de sa fonction d’élastique. Il semble finalement que ce qui nous est proposé soit un accord en temps de paix où chacun trouve sa place sans déborder du cadre. Pourtant, on a envie d’y croire et de leur dire de s’accrocher, parce que la route sera longue, mais le voyage terriblement excitant.

Karim Grandi-Baupain

La scène partagée Émergences, qui réunissait les compagnies Maurie (Écho n’est pas un mythe), Kontamine (Petite Mécanique humaine), Ellipse (Unité 777) et Norma (Look), était présentée le 17/03 à la Salle Émilien Ventre (Rousset)