Seconde Nature 2009 à la Fondation Vasarely
Le festival est annulé plus d’infos ici
Territoires transitoires
2009 est une année très importante pour l’équipe de Seconde Nature, qui a ouvert en janvier dernier un lieu d’exposition et de création à la croisée des arts multimédias et des musiques électroniques (la Scène Numérique) et revient aujourd’hui via la troisième édition de son emblématique festival, considéré comme l’un des outsiders sur ce créneau en France. Paradoxe : après avoir enfin pris ses assises dans le centre-ville d’Aix, la même équipe a été contrainte, sous la pression des riverains, de quitter la Cité du Livre — qui avait accueilli le festival l’an passé — pour implanter à nouveau sa manifestation annuelle à la périphérie, sur les pelouses jugées plus calmes de la Fondation Vasarely… Un retour aux sources effectué un peu à la hâte (et toujours dommageable, à l’aube de Marseille Provence 2013), mais vraiment réjouissant pour qui a déjà foulé ce temple de l’art cinétique, en parfaite résonance avec les concerts, projections et installations dont nous vous donnons ici le détail.
Fujiya & Miyagi
Soyez à l’heure : chaque soir, le festival commence avec des groupes très originaux, trouvant leur identité à la lisière de plusieurs styles. Pour ce qui est de Fujiya & Miyagi, qui ne sont ni un duo (ils sont quatre), ni asiatiques (mais anglais), l’influence première est le krautrock allemand, un krautrock recalibré au format pop et agrémenté de talk-over (ce « parlé-chanté » façon Gainsbourg). C’est donc à la fois hypnotique, dansant et assez charnel.
Ven 5, 20h30
Moderat
Est tout simplement l’association de Modeselektor et Apparat, piliers du label berlinois Bpitch Control (Ellen Allien), avec en prime, sur ce live, la participation de Pfadfindereï (les vidéastes attitrés de Bpitch). Pour le coup, Moderat est à l’exacte intersection des univers de ses géniteurs : son électro doit autant aux beats concassés de Modeselektor qu’aux ambiances oniriques, atmosphériques, d’Apparat. L’album vient à peine de sortir.
Ven 5, 22h10
Danton Eeprom
Le Marseillais qui monte… le « Marseillais » ? Après avoir fait ses armes à Berlin, Danton s’est installé à Londres et y a rencontré une certaine avant-garde (Radioslave, Smagghe, Lazarus) puis a monté là-bas son propre label, Fondation. Bref, depuis qu’il a sorti certains des maxis les plus vénéneux de ces derniers temps, plus rien ne lui résiste. Son album est enfin terminé. Il est aussi attendu que son live, qui avait déjà marqué les esprits en 2007.
Ven 5, 23h40
Ivan Smagghe & Chloé
Sont régulièrement invités à Marseille par les différents « teams » qui font la nuit phocéenne. Il faut dire que ces deux-là ont compté pour beaucoup dans l’esthétique de leur label, Kill The Dj, maintes fois copié depuis. Un mélange de noirceur (héritée de la new-wave) et de culture club underground, que l’on retrouve dans leurs sets, toujours très à la pointe. Pour se faire une idée, se procurer la compilation mixée en commun, The Dysfunctional Family…
Ven 5, 0h50 et Sam 6, 2h55
Andrew Weatherall
L’un des mecs les plus importants de la club-culture anglaise. Pilier de la scène rave quand l’acid-house déboule en Angleterre à la fin des 80’s, il se fait connaître en produisant le Screamadelica de Primal Scream, disque fondateur pour les hybrides électro/indie. Depuis, il ne cesse de faire partager son goût pour le rock le plus sale et l’électronique la plus pointue, au travers de ses projets (Two Lone Swordsmen notamment) et de ses rares dj-sets…
Ven 5, 2h25
The Chap
L’équipe de Seconde Nature avait eu l’occasion de voir The Chap, l’an dernier à Marseille, lorsque le groupe avait été programmé par les copines de l’association In The Garage. Elle ne s’en est pas remis : ces spécimens de nationalités diverses (mais installés à Londres) puisent aussi bien dans la pop que dans l’electronica, le r’n’b ou le post-punk, pour offrir l’une des prestations les plus colorées du moment. Encore une fois : arrivez tôt !
Sam 6, 20h30
Tim Exile
Depuis le festival Warp à Vasarely en 2003, le prestigieux label de Sheffield est un partenaire régulier de Seconde Nature (et de son prédécesseur : Territoires Electroniques). Chaque édition est donc l’occasion de présenter les dernières pousses du label, comme c’est ici le cas avec Tim Exile. Ce jeune Anglais installé à Berlin a récemment rejoint Warp, avec un album qui tente le grand écart entre Aphex Twin et Depeche Mode. La scène est son domaine.
Sam 6, 21h50
Metronomy
Le plus gros buzz en Angleterre depuis les Klaxons : un jeune trio qui a su séduire la génération fluo (ces kids biberonnés aux sets musclés d’Erol Alkan) tout en s’écartant de ses principaux codes (la mélancolie et la bizarrerie surclassent ici aisément un hédonisme un peu convenu). Musicalement, on dirait du Devo en pleine descente d’ecsta. Visuellement, avec leurs chorégraphies et leurs boules de lumière en pendentifs, ils sont pas mal non plus…
Sam 6, 23h10
The Emperor Machine
Rien de moins que la tête de proue du label anglais DC Recordings, en passe de devenir culte pour aller encore plus loin dans les chemins de traverse empruntés avant lui par d’autres labels comme Gomma ou DFA. Monté par un ex-Chicken Lips, The Emperor Machine est une… machine à remonter le temps, celui où la disco, l’électro naissante et le krautrock s’entrechoquaient dans un joyeux bordel. C’est à la fois synthétique et organique : ça déchire.
Sam 6, 0h30
Mathew Jonson
Ce producteur canadien incarne la facette la plus « minimale » du festival. Mais attention : point de rigueur toute germanique dans sa techno. S’il s’est fait connaître via le label M_nus de Richie Hawtin (le fameux Decompression Ep), il a ensuite fait du sien (Wagon Repair) une référence du genre, travaillant notamment avec la scène chilienne ou érigeant des ponts avec le jazz (son projet Cobblestone Jazz). En live, son sens de l’improvisation détonne.
Sam 6, 1h50
PLX
Seconde Nature, les 5 et 6/06 à la Fondation Vasarely (Aix-en-Pce) à partir de 19h (concerts à 20h30 précises !)
Navettes à partir de la Rotonde/gare routière (départs de 18h30 à 22h30, retours de 3h à 4h30)
Rens. www.secondenature.org
EXPO
Les nouveaux mondes
Multiple en termes de lieux, d’artistes, d’enjeux et de dispositifs, l’exposition Dessine-moi un mutant stimule de nouvelles perceptions du monde et le transforme en un univers sensible, politique et signifiant.
Presque naturellement, si l’on ose dire, c’est la métamorphose que le festival a choisie pour fil conducteur de l’exposition. Ainsi, parmi les arts multimédias — eux-mêmes intrinsèquement en perpétuelle évolution du fait des avancées technologiques —, Seconde nature a choisi de présenter des œuvres d’artistes qui interrogent les représentations de notre monde en mutation.
A côté des œuvres in situ qui placent la distorsion des perceptions visuelles et auditives et l’expérimentation du sensible en leur fondement (les Promenades insolites et hallucinées d’Adelin Schweitzer & redSugar, de Mathias Poisson et de Manolie Soysouvanh, ou encore les nouveaux paysages sonores de Julien Clauss), les installations présentées à la Fondation Vasarely questionnent davantage notre rapport au pouvoir, ici envisagé en termes de domination et de lutte. Ainsi, l’installation POL, conçue par les Autrichiens Granular Synthesis — dont on avait déjà vu les créations pixellisées accompagner la signature du chorégraphe aixois Angelin Preljocaj pour N. — fonctionne, telle une manœuvre de guerre, par immersion et encerclement, haussant l’intensité jusqu’à l’insupportable, jusqu’à l’atrocité.
Au même endroit, deux autres installations interactives permettront au visiteur de déclencher des transformations de l’image et de la scène, via un écran tactile (Chienman de Du Zhenjun) ou avec sa voix (Sho(u)t, de Vincent Elka, qui en présentera aussi une version performative), appelant ainsi un corps étranger, celui du spectateur, à modifier une narration, à la manipuler et à en prendre le contrôle.
Davantage ancrée dans l’imaginaire, la Scène Numérique sera le lieu de mutations plus organiques, avec pour thème l’hybride, le monstre (au sens de l’être vivant génétiquement modifié et, de ce fait, collectivement fantasmé), notamment avec l’installation audiovisuelle du Bestiaire Numérique, mais aussi avec les œuvres d’Eduardo Kac, France Cadet et Adelin Schweitzer.
Enfin, Zinc et Seconde Nature s’associent pour présenter à la Friche les étranges Cocons d’Erik Lorré, Cis et Yorga, doués d’une intelligence autonome qui leur permet d’analyser les comportements de ceux qui les observent pour adapter ensuite le leur et tisser leur toile dans la Salle Maintenant…
En bref, une programmation d’une intelligence pas du tout artificielle qui emmènera le spectateur au commencement d’une nouvelle sémiologie, dans d’autres perceptions et dans d’autres réflexions.
Joanna Selvidès
Dessine-moi un mutant : du 5/06 au 25/07 à la Scène Numérique & à la Fondation Vasarely (Aix-en-Pce).
Erik Lorré, Cis et Yorga – Cocons 2.0 : du 4 au 20/06 à la Friche la Belle de Mai, Salle Maintenant (41 rue Jobin, 3e).
Rens. 04 95 04 95 11