Secret Sunshine – (Corée du Sud – 2h30) de Lee Chang-dong avec Jeon Do-yeon, Song Kang-ho, Cho Yung-jin…
Il faut beaucoup de pugnacité pour arriver au bout de Secret Sunshine, film chevillé au corps supplicié d’une actrice dont il ne nous épargne ni les tourments, ni la folle dignité. Le quatrième opus de Lee Chang-dong…
Mirage
Il faut beaucoup de pugnacité pour arriver au bout de Secret Sunshine, film chevillé au corps supplicié d’une actrice dont il ne nous épargne ni les tourments, ni la folle dignité. Le quatrième opus de Lee Chang-dong est d’abord un mélodrame, genre extrêmement populaire en Corée du Sud, dont il n’évite aucun des codes narratifs. C’est d’ailleurs dans cet entêtement volontaire que réside toute son intelligence : prendre à bras-le-corps les problématiques propres au genre — l’épreuve, le pardon et le « vivre avec » — pour mieux s’en délester et écrire la possibilité d’une renaissance. Depuis Oasis, Lee Chang-dong affiche un goût prononcé pour le simulacre, son potentiel subversif. Dans son cinéma âpre, aux contours blancs et sablonneux, l’évitement du réel consiste à reproduire une comédie du vivant, à faire comme si l’infirmité de l’être aimé (Oasis), la mort de son mari ou l’assassinat de son fils (Secret Sunshine) devenait tout à coup supportable. Lee Shin-ae, la veuve éplorée du film, opte alors pour l’évangélisme, comme pour mieux interpréter son pardon et paraître normale aux yeux de la ville. Erreur humaine pour le cinéaste coréen qui filme avec compassion et rugosité l’hypocrisie, la chute et la violence (envers soi et les autres). Renaître nous dit-il, n’exclut pas de vivre avec la douleur intense d’une perte. Et faire un mélodrame n’exclut pas d’éprouver le genre pour mieux le transgresser. Il faut évidemment beaucoup de pugnacité pour atteindre ces vérités. Mais l’émerveillement solaire du film n’en est que plus doux encore.
Romain Carlioz