Semaine Asymétrique
Figures libres
Film Flamme et le Polygone Étoilé ouvrent le quatorzième volet d’une rencontre cinématographique annuelle unique : la Semaine Asymétrique invite plus d’une cinquantaine de cinéastes, pour autant d’œuvres filmiques qui questionnent l’idée même du cinéma.
Nous l’évoquons régulièrement dans ces colonnes, mais face à l’uniformisation croissante d’un système industriel cinématographique coercitif, il est nécessaire de le répéter : toute l’étendue des nombreuses formes d’expressions contemporaines de l’image en mouvement est bien loin d’être représentée par les seuls opus qui trouvent le chemin des salles par l’obtention du sacro-saint visa d’exploitation. Des auteurs, des artistes, des preneurs d’images — comme le définissait Fernand Deligny —, des poètes, font eux aussi — et surtout eux ! — évoluer les langages du cinéma. Mais leurs œuvres n’ont pas souvent l’heur de connaître la reconnaissance des professionnels de la profession — comme les remerciait avec malice Godard. Qu’importe… ces films vivent, soufflent et respirent, et il se trouvera toujours des êtres passionnés, des passeurs éclairés, des montreurs d’images qui déclencheront leurs rencontres avec l’espace-temps des spectateurs. S’il est une structure qui s’inscrit depuis de nombreuses années dans cette dynamique, au sein de la cité phocéenne, c’est bel et bien le Polygone Étoilé : l’équipe de Film Flamme a su créer à la rue Massabo, non loin de la Joliette, l’un des derniers espaces de respiration où le cinéma se pense, se fabrique, se montre, se partage. Avec en point d’orgue un rendez-vous annuel incontournable : la Semaine Asymétrique. Pour sa quatorzième année, « ce turbulent moment, le rappelle l’équipe, passé ensemble à l’écoute des films et de leurs auteurs — interrogations et expériences sont partagées en public et avec le public — explore les multiples visages de la création cinématographique contemporaine, sans sélection ni compétition ». Loin de l’orthodoxie festivalière (prix, compétition, masterclass…), vivre une Semaine Asymétrique est une expérience de cinéma totale et entière. Réalisatrices et réalisateurs viennent ainsi avec bobines ou fichiers vidéos sous le bras (Venez nombreux, entrez libres, l’un des adages du lieu), dans de joyeuses allées et venues entre la salle de projection et l’espace partagé à l’étage, où l’on peut à l’envi détisser ensemble, autour d’un verre ou d’une assiette, les films que nous venons à l’instant de découvrir. Et c’est peu de dire à quel point il y a là matière à réflexions, avec plus d’une cinquantaine de cinéastes invités, qui construisent cette programmation, et la rendent ainsi exceptionnelles. Des rushes de Jean-Pierre Maéro, qui fut témoin de la naissance de la scène hip-hop à Marseille, aux films de Mohamed Salah et Laurent Huet, en passant par les œuvres de Marc Scialom, de Till Roeskens, de Rachid Oujdi, d’Anna Feillou, de Mario Brenta et Karine de Villers ou d’Amélie Derlon Cordina, sans oublier le travail de Raphaëlle Paupert-Borne ou la discussion prévue en compagnie de l’Association des Auteurs-Réalisateurs du Sud-Est (AARSE), cette Semaine Asymétrique nous offre encore la liberté de croire à l’immanence de l’imaginaire cinématographique sur nos propres vies.
Emmanuel Vigne
Semaine Asymétrique : du 24/11 au 1/12 au Polygone Étoilé.
Rens. : 09 67 50 58 23 / www.polygone-etoile.com