La Semaine Asymétrique au Polygone Etoilé
Cinéma hors champs
Début décembre, le Polygone Etoilé et Film Flamme proposent, dans le bel espace de la Joliette, la Semaine Asymétrique, expérience collective cinématographique qui offre à voir, à entendre, à parler, à échanger autour de nombreuses œuvres cinématographiques.
Le cinéma crèvera peut-être de cela, et l’exception culturelle française avec : on en a (presque) fini avec l’expérimentation propre à cet art. Les films se fabriquent, se vendent, se montrent — et se pensent ! — dorénavant selon peu ou prou le même schéma. On a instillé dans le spectacle cinématographique la notion télévisuelle du flux. Six cents films se bousculent chaque année sans en trouver réellement le sens, sous l’égide perverse des chaînes, en prenant bien garde d’évacuer toute dissidence : ce système n’est plus fondé sur la réalité des possibles, mais sur une forme de surenchère souvent vaine. Tous les acteurs de la chaîne, tous les professionnels de la profession ont dans ce mécanisme trop bien huilé leur part de responsabilité. D’où l’urgence aujourd’hui d’observer ce qui se passe dans certains lieux où le cinéma se réfléchit autrement, comme porte de sortie d’une impasse chaque jour évidente. Ils s’appellent le Nova à Bruxelles, le Spoutnik à Genève ou le Polygone Etoilé à Marseille. Ancrés dans un héritage assumé (celui des expériences des années 60, 70 et 80), ils font vivre le cinéma autrement, avec intelligence, sans certitudes, plaçant le partage au centre du geste cinématographique. Parmi les nombreuses activités annuelles du Polygone Etoilé (soutien à la création, ateliers, diffusion…), le point d’orgue de la structure phocéenne, sise à quelques encablures de la Joliette, reste indéniablement la Semaine Asymétrique, croisements des possibles, où les films ne sont pas seulement projetés en enfilade : il s’agit ici de vivre une expérience collective essentielle. Une ivresse de sons et d’images où chaque réalisateur s’invite non pas seulement pour montrer ses films, mais pour en découdre avec les regards, prolonger l’expérience de la projection dans la grande salle commune, et poser les vraies et grandes questions de cinéma. Comme le rappelle l’équipe de Film Flamme, structure attachée au lieu, « ici, un participant est aussi un organisateur, qu’il soit cinéaste ou spectateur. » Durant huit jours, plus d’une soixantaine de films créeront le corpus autour duquel les échanges se feront. Certains sont déjà connus d’un public attentif (Le Triangle mérite son sommet de Florence Pazzottu, L’Heure exquise de René Allio, Momo de Jeff Comminges…), mais gageons que pour la plupart, il s’agira de découvertes précieuses, qui nourriront les prises de paroles. Les questions de création et de diffusion des œuvres cinématographiques seront par ailleurs au cœur des échanges, à l’instar des trois tables rondes prévues le 3 décembre, dans l’après-midi. La Semaine Asymétrique n’est pas un événement culturel, mais bel et bien l’espace vital pour repenser nos propres rapports au cinéma.
Emmanuel Vigne
La Semaine Asymétrique du 30/11 au 7/12 au Polygone Etoilé (1 rue Massabo, 2e).
Rens : 09 67 50 58 23 / www.polygone-etoile.com
Toute la programmation de la Semaine asymétrique jour par jour ici