Les Raisins de la mort de Jean Rollin

*ANNULÉ* Semaine de la Pop Philosophie

Manuel de survie

 

La Saison XII de la Semaine de la Pop Philosophie nous propose, dans divers lieux de la cité phocéenne, de nous pencher sur la symbolique du zombie, dont les axes sémiologiques — signifié, signifiant et référent — n’ont jamais autant résonné qu’aujourd’hui.

 

La représentation du zombie, ce mort-vivant si loin si proche, pas si mort mais bel et bien vivant, couvre le champ, depuis plusieurs siècles, de l’anthropologie, de la philosophie et des arts, à commencer par le cinéma, dont il est devenu l’une des figures centrales, dépassant très largement les cadres du genre. Si l’enfer, c’est les autres, le zombie, c’est nous. Et Gilles Deleuze puis Felix Guattari de rajouter : « Le seul mythe moderne est celui des zombis ».

Il est le symptôme psychique de notre époque. Une créature née en Afrique noire, passée par Haïti — qui porte de fait en son sein les traumas de la colonisation — et qui revêt depuis, dans nos sociétés occidentales, les atours de révélateur de nos perversions et nos abandons, jusqu’à résonner dans le contexte sanitaire actuel, jamais aussi prégnant qu’aujourd’hui.

Au cinéma, la figure du zombie a permis les critiques des déviances sociétales allant du racisme au dommages de la société de consommation, en passant par la résistance aux classes ultra-dominantes ou à la critique de la logique militaire, donc belliciste.

C’est dire comme ce sujet à multiples tiroirs méritait bien que l’on s’y penche en multipliant les axes de points de vue. Dont acte avec la nouvelle édition de l’excellente saison XII de la Semaine de la Pop Philosophie, qui investit Marseille du 2 au 7 novembre pour mêler philosophie, économie, géographie, politique, psychanalyse, anthropologie et cinéma, avec une édition spéciale Zombie Theory, qui promet temps d’échanges, conférences et projections de belles factures, propres à épouser le plus exhaustivement possible le sujet.

En commençant par les prises de paroles qui auront lieu à la Criée, en présence de nombreux (éminents) invités : le géographe Manouk Borzakian évoquera avec la géographie zombie les ruines du capitalisme, qui fument chaque jour sous nos pieds, parallèlement à l’intervention du fameux essayiste Jean-Paul Fitoussi, qui reviendra sur le changement du paradigme contemporain depuis l’explosion de la science vaudou, dont est directement issue la figure du zombie.

Plus politiquement, la cathodique Natacha Polony, aux côtés de Kévin Boucaud-Victoire et Jean Viard, s’interrogeront, revenant sur les révoltes récentes des gilets jaunes, sur l’émergence de zombies dans la vie politique française.

L’intervention, au cinéma les Variétés, de l’artiste Jean-Baptiste Farkas autour du thème Solastalgie zombie : pourquoi les écologistes échouent-ils tout autant que les zombies ? offrira l’occasion de découvrir en salle l’opus de Jean Rollin, Les Raisins de la mort. Le cinéaste fut au cinéma horrifique ce que Max Pécas fut à la comédie : prolifique, libertaire et psychédélique. Un mystère non encore élucidé, aux obsessions parcourues au fil d’une filmographie fournie, à la conscience politique aiguisée, qui mériterait une rétrospective à lui seul. Autre film majeur de cette programmation : le sublime Carnival of Souls d’Herk Harvey, qui clôturera la conférence du philosophe Olivier Schefer. Un visage bien connu du public marseillais fait, à l’instar des années précédentes, partie des festivités : Marc Rosmini, écrivain, enseignant, philosophe citoyen et fin cinéphile, introduira la projection du chef d’œuvre de George Romero, Day of the Dead, sur le thème Bioéthique du zombie, qui s’annonce passionnant.

Musique, anthropologie voire chorégraphie feront eux aussi partie des angles d’analyse sur un sujet sans limite, abyme d’où résonnent les alarmes de notre propre avenir.

 

Emmanuel Vigne

 

Semaine de la Pop Philosophie : du 2 au 7/11 à Marseille.

Rens. : 04 91 90 05 55 / www.semainedelapopphilosophie.fr

Le programme complet de la Semaine de la Pop Philosophie ici