Dékanter les concepts

Prendre le contre-pied de la philo pour « philopoper » tout en prenant son pied ? Avec la Semaine de la Pop Philosophie, les Rencontres Place Publique livrent un programme aussi alléchant qu’éclectique, qui ne se lasse jamais de décortiquer l’apparente banalité du quotidien.

Jacques Serrano, l’instigateur de la Semaine de la Pop Philosophie, est ravi. Cette année, pour la cinquième saison, des nouveautés font leur entrée en scène. Connaissez-vous le philo-clubbing ? Parlez-en aux étudiants en terminale… S’ils n’arrêtent pas tout simplement de sortir en boîte, ils vous prendront pour un fou. Imaginez ce prof de philo qui vous endormait huit heures par semaine se dandiner en gambergeant à la métaphysique de la jouissance. Vous avez là un bref aperçu de ce qu’est la pop philosophie. A bas les clichés ; aujourd’hui, les philosophes n’ont plus peur de se creuser les méninges sur ce à quoi vous vous frottez tous les jours. Ainsi, la Dame Noir Dancing du Trolleybus, haut lieu de la nuit marseillaise, accueillera le philosophe Francis Métivier, pour un débat interactif, rythmé par les beats de Dj Thierry. Tout en chansons, la « playlist des philosophes » montre qu’à travers la musique populaire, on retrouve les grands concepts, sur lesquels les penseurs s’arrachent les cheveux depuis quelques siècles. Marianne Chaillan, professeur de philosophie à Marseille, a d’ailleurs mis en œuvre la réflexion avec ses élèves, lorsque ceux-ci perdaient pied. « La question du Moi, de l’identité du sujet sur laquelle s’est penché David Hume est très bien résumée dans la chanson On ne change pas de Céline Dion. » On imagine que Schopenhauer aurait sans doute écouté du Stromae et que Marx aurait kiffé IAM… Vous suivez ? « J’ai essuyé des critiques de la part de mes pairs, qui n’aiment pas bien que l’on traite, avec la noblesse de la philosophie, des sujets considérés comme vulgaires. Mais la participation de grands philosophes m’a toujours donné de la légitimité, explique Jacques Serrano, qui avait le projet en tête depuis une dizaine d’années. Je voulais créer un week-end télé, durant lequel à la fois j’aurais diffusé des extraits de séries, comme Mac Gyver ou La Croisière s’amuse, pour en pointer l’intérêt philosophique… Mais personne ne voulait donner de l’argent pour des trucs cons et en plus américains », s’amuse-t-il. Mais, obstiné et entouré d’intellectuels plutôt larges d’esprit, il a fait aboutir son projet en « poussant le bouchon un peu plus loin ». Ce rebelle de la philo, qui se distingue rien qu’en s’intéressant à la culture de masse, continue à pousser le bouchon. Toujours un peu plus décalée, la rencontre autour de la « métaphysique de la clope » a été perçue d’un mauvais œil de prime abord. « Elle se déroulera au bar rock La Maison Hantée, parce que personne d’autre n’a voulu de nous. L’absence apparente de propos culturel et l’idée que nous allions inciter les jeunes à fumer en ont découragé plus d’un. » Même au pays des pop-philosophes, les préjugés ont la vie dure…

Morgane Masson

Semaine de la Pop Philosophie : du 21 au 26/10 à Marseille.
Rens. www.semainedelapopphilosophie.fr

La programmation détaillée au jour le jour, par ici