Soirée Scarface au cinéma l’Alhambra
L’homme aux deux visages
Samedi 6 juin, le cinéma l’Alhambra invite le philosophe Marc Rosmini, accompagné du professeur Aïssa Grabsi, pour un « ciné-philo » passionnant consacré à Tony Montana, personnage des mythiques Scarface, sur le thème : de quelle vérité les mythes sont-ils porteurs ?
L’art de l’illusion propre au cinéma, ce grand mensonge qui dit la vérité, a permis d’ancrer, ces cent vingt dernières années, l’image en mouvement dans un rapport au monde construit sur la mythification de celui-ci. Le cinéma crée du mythe, certes, mais comme le rappelle Serge Daney, « seul compte le goût de déplier les histoires dont le mythe est porteur. » S’il est un personnage qui contient à lui seul cette fonction cathartique où se reflètent tout autant le muthos et le logos — la raison —, mais au-delà la mystification d’une société consumériste et hédoniste, il s’agit bien du Tony Montana de Brian de Palma, pendant janusien du Tony Camonte d’Howard Hawks, visages de l’hybridité propres à la nature profonde de l’être, sur lesquels se pencheront, à l’Alhambra, le philosophe Marc Rosmini et le professeur Aïssa Grabsi. Les « ciné-philo » se sont imposés au fil des séances comme des instants inestimables de réflexions collectives dépassant le seul cadre cinématographique. Ils participent à interroger un monde en mouvement qui, lui aussi, déroule sa vérité vingt-quatre fois par seconde. Et ici, le choix de mettre en relief deux œuvres majeures du cinéma — les Scarface d’Howard Hawks (1932) et Brian de Palma (1984) — ouvre un choix de réflexions à tiroirs installant le spectateur dans le rôle d’Orphée, traversant le miroir. Car les pistes d’interprétations sont multiples. Cette réflexion révèle de prime abord la fonction mythique du cinéma, ce dernier recréant une histoire admise collectivement, dont l’essence, comme le rappelle Claude Lévi-Strauss dans La Structure des mythes, fait office de force unificatrice. Mais il nous faut nous détacher très vite d’une interprétation archétypale pour comprendre, au-delà, comment se sont réalisées les distinctions entre les modes opératoires du spectateur, vis-à-vis du personnage. Au sein d’une même société, nous ne projetons pas tous les mêmes choses sur l’hédonisme icarien de Tony Montana / Camonte. C’est cette complexité qui révèle les disparités d’un collectif, et qu’aborderont les deux penseurs lors de cette journée exceptionnelle, où le pur plaisir cinéphilique le disputera à la plus profonde réflexion.
Emmanuel Vigne
Soirée Scarface : le 6/06 au cinéma l’Alhambra (2 rue du Cinéma, 16e).
Rens. : 04 91 03 84 66 / www.alhambracine.com