Sophie Ristelhuber à la galerieofmarseille
Points de vue, images du monde
Une petite sélection d’œuvres réalisées par Sophie Ristelhuber nous donne un aperçu bref mais intense de son travail, qui interroge les conditions sous lesquelles le monde se donne à voir et à dire.
Sophie Ristelhueber emprunte au reportage ses outils, la photographie, et parfois l’un de ses thèmes majeurs : la guerre. Elle effectue bien souvent une pratique de terrain sur des lieux chargés d’histoire et marqués par une activité incessante de construction et de destruction (le désert du Koweit quelques mois après la guerre du Golfe dans Fait, la Cisjordanie en 2005 dans WB…). Mais le rapport qu’elle entretient avec les images — leur mode de construction et d’apparition —, à la recherche de formes capables de ressaisir la réalité, la place résolument du côté de l’art. Dans le même temps, elle offre l’occasion de penser et d’interroger leur séparation. A l’inverse de l’image choc, elle cherche la bonne distance. Etre loin des images attendues, de celles qui s’accumulent et saturent l’espace où nous vivons, être près d’une réalité qui montre peu de choses, mais qui les exprime et les suggère. Si ce que l’on voit n’est bien souvent qu’une manière de reconnaître ce que l’on sait, les images de Ristelhueber tentent de déstabiliser ce rapport, de solliciter de nouveaux chemins entre savoir et vision. Elle cherche à mettre à nu la peau des choses, faire que cet acte nous révèle quelque chose, plutôt que rien. En rapport avec le procédé photographique, elle capture des traces des actions menées par les hommes, des résidus dotés d’une puissance métaphorique. La terre est ce dépôt, ce témoin, qui recueille, garde et révèle les traces, les strates des histoires, de l’Histoire. Elle apparaît également comme un corps meurtri, lacéré, scarifié. Pour Eleven Blowups (2006), elle expérimente de nouvelles procédures de fabrication : les photos sont réalisées à partir d’images de l’Agence Reuteurs de Londres et de matériaux récupérés dans ses propres images, sans qu’à aucun moment elle ne cherche à nous tromper sur la dimension artificielle de l’image. Plus : elle théâtralise la manipulation, ce qui déstabilise le spectateur. Ces images amplifient ce qui est opérant dans toutes ses photographies : l’ambivalence des choses, la ligne de démarcation poreuse entre réalité et fiction, le désir de donner de nouvelles configurations au monde.
Elodie Guida
Jusqu’au 22/03 à la galerieofmarseille (8 rue du Chevalier Roze, 2e). Rens. 04 91 900 798 / www.galerieofmarseille.com