Souffle – (Corée du Sud – 1h24) de Kim Ki-duk avec Chang Chen, Park Ji-a, Ha Jung-woo…
Bouts de souffle
Prenons un peu de temps et écartons-nous brièvement du rythme effréné, voire anarchique, des sorties, histoire d’appréhender un film comme l’une des pièces de l’édifice bâti soigneusement par son auteur. Après tout, ça fait (un peu) partie de notre boulot. D’abord, Souffle n’est pas la récréation annuelle du cinéphile orientaliste, ni la version hiver 2007 de la collection Kim Ki-duk. Pour peu que l’on ait été attentif à l’évolution du travail du Coréen, son quatorzième film (déjà) a des allures de respiration ludique dans une œuvre empreinte d’un certain sadisme amoureux. Il marque aussi un réel apaisement de son style symboliste et mutique. L’histoire brasse d’ailleurs la plupart des obsessions visuelles de l’auteur de L’île, à une exception près : l’emprisonnement, les scansions saisonnières ou le corps souffrant de la femme constituent ici autant de variations sur un thème déjà connu. Il semble bien que Kim Ki-duk ait voulu livrer un simulacre amusé de son œuvre, refusant toutes formes de psychologie narrative pour regarder évoluer son propre cinéma. Qu’il ait endossé lui-même le rôle d’un directeur de prison voyeur, mimant les scènes de parloir devant un écran de surveillance est, à ce titre, particulièrement significatif. Souffle n’est donc pas l’étape la plus brillante de l’œuvre de Kim Ki-duk, mais sa valeur réside dans le contrepoint qu’il offre aux précédents opus. Un éclairage aérien, décalé et non dénué de noirceur. Car l’amour selon Kim Ki-duk, même vécu à travers le prisme vif et coloré d’un Souffle, rime avec solitude, frustration et étouffement. C’est même la condition de sa beauté.
Romain Carlioz