Pendant qu’un milliard de Chinois (et moi, et moi, et moi) vibraient devant les J.O., que le Petit Nicolas était pris en flagrant délit d’adultère et totalitaire avec Edvige et qu’Ingrid Betancourt regoûtait aux joies de l’épilation, votre journal, altruiste et exigeant, a enfermé deux mois durant ses journalistes dans des salles obscures. Tour d’horizon pas du tout exhaustif et complètement subjectif.
SOS fantômes ?
D’Hollywood, on connaissait son fameux boulevard, ses starlettes (O’Hara ou Johansson), ses chewing-gums et ses blockbusters, véritables machines à fric et pop-corn conçues pour nous faire pleurer (E.T), rêver (Star Wars), bondir (Indiana Jones) ou courir (Rocky). Dépassé par l’explosion cathodique des séries télé et miné par une grève des scénaristes qui a entre autres obligé la Warner à repousser la sortie du — espérons-le — dernier Harry Potter à l’été 2009, Hollywood tire la tronche et n’a plus que des « blaguebusters » à nous proposer. La preuve par beaucoup, avec La momie 3, version Hong Kong avec Jet Li dans le rôle du Chinois sournois de service (sic) et l’improbable Brendan Fraser, aussi expressif qu’une vache regardant passer un train. Fraser que l’on retrouve dans Voyage au centre de la terre, nouvelle version du classique de Jules Verne, globalement boostée par la 3D mais considérablement desservie par l’acteur bovin, toujours aussi peu expressif, même devant un dinosaure, mystère… Un cas étrange sur lequel Mulder et Scully ne se sont pas penchés, trop occupés qu’ils étaient à faire n’importe quoi, n’importe comment, avec n’importe qui dans X-Files 2 : régénération. Chris Carter n’arrive plus à foutre la trouille et son couple d’agents est chiant comme la pluie, rendez-nous Hank Moody ! Au rayon « super héros », enfin, notons le nouveau gâchis autour de L’incroyable Hulk, anti-héros réduit à une bouillie numérique qui crie très fort, filmé à la truelle par un copain de Besson exilé aux USA. Ou Hancock, sorte de super SDF amnésique et alcoolique, joué (trop) à la cool par Will Smith, même pas mal. La lumière, blafarde et spectrale, sera donc venue de The dark knight. Précédé d’une odeur de souffre — décès de Heath Ledger, qui incarnait le Joker, quelques heures après avoir tourné le dernier plan —, le Batman de Christopher Nolan est de toute beauté. Scénario vertigineux et feuilletonesque, mise en scène de haut vol et Joker pathétique au-delà du raisonnable : les fans sont ravis et les chauves sourient.
Un massacre et un enterrement
Avec moins de fric mais plus de sens, le cinéma d’art et d’essai aura une fois de plus tiré son épingle du jeu en nous offrant deux chocs cinématographiques. A commencer par Valse avec Bashir, nouveau film de genre, entre documentaire et animation, sur le génocide de Sabra et Chatila en 1982. Quelque part entre The Wall, trip psyché, et Persepolis, leçon d’histoire sans langue de bois, Ari Folman a mis tout le monde d’accord — malgré quelques zones d’ombre dans son récit. Tout comme l’impressionnant Les sept jours de Ronit et Shlomi Elkabetz, déjà auteurs du bouleversant Prendre femme, premier volet d’une trilogie sur la famille. Emporté par une Ronit Elkabetz exceptionnelle, figure sensuelle et de l’excès entre Maria Callas et Anna Magnani, ce deuil choral, viscéral et israélien aurait pu être tourné par John Cassavetes. Le film de l’été. De l’année ? Juste derrière, en embuscade, avec Le silence de Lorna, les frères Dardenne ont encore frappé fort et juste : belgitude glauque, destins sordides… les frérots poussent ici le corps-marchandise dans ses derniers retranchements et nous offrent un final sidérant, digne de Robert Bresson. Un cran en dessous, car plus dans la gaudriole et l’humour couillon, mais toujours localisé du côté du plat Pays, El Dorado de Bouli Lanner nous aura gentiment fait marrer, en nous montrant notamment comment reprendre le volant malgré un taux d’alcoolémie exceptionnel : énorme ! Sinon, on peut être « fille de… » et faire un peu tout et n’importe quoi, comme Jennifer Chambers, la fille de David Lynch qui, moufles à l’appui, a sorti Surveillance, polar en bois aux différents points de vue, façon Rashomon, qui donne envie de se faire Hara-kiri. Ou de Zoé, la fille de John Cassavetes, auteur d’une bluette indie, Broken english, sauvée par les craquants Parker Posey et Melvil Poupaud. Ça marche aussi avec les garçons, comme en témoigne Emmanuel Bourdieu, dont le Intrusions ressemble à la saga de l’été de TF1. Enfin, dans le registre « je sors deux films par an qui servent à rien comme Woody Allen », le Coréen Hong-Sang Soo a squatté les salles avec Night & day et Woman on the beach. Au programme : badinage artistique, rhomérien à signaler. Au suivant !
Henri Seard (avec nas/im et RC)