Soyez sympas, rembobinez – (USA – 1h35) de Michel Gondry avec Jack Black, Mos Def…
Devoirs de mémoire
On a toujours eu un problème, cinématographique s’entend, avec Michel Gondry. Clippeur génial, avant-gardiste de l’animation cheap et à la puissance d’évocation poético-régressive, l’ancien batteur du groupe Oui Oui a dynamité le genre, loin de l’académisme des vidéos qui défilent depuis plus de vingt ans sur le robinet à clips MTV, offrant avec force constance de sublimes écrins aux joyaux pop-rock de Björk, Radiohead, Massive Attack, Beck et autres White Stripes ; tout en se frayant, dans le même mouvement, un chemin pavé de bonnes intentions vers l’enfer d’Hollywood. Plus clairement, si l’ami Gondry a bel et bien posé ses valises en 2001 de l’autre côté de l’Atlantique afin de valider et matérialiser ses idées farfelues et délirantes sur le mode bigger than life, il s’était heurté jusqu’alors à différents écueils. Comme les fausses bonnes idées de Charlie Kaufman, scénariste de la fable humaniste ratée de Human nature et de la partie mathématique de l’histoire d’amour en forme de trous de mémoire d’Eternal sunshine of a spotless mind. Ou encore le dispositif en circonvolution éprouvé de La science des rêves, au casting raté, sauvé du cauchemar par les apparitions débilitantes d’Alain Chabat. Conscient du talent du bonhomme, on attendait avec impatience le film qui allait transformer l’ex-petit prince du clip en star du ciné indé. Voilà qui est fait avec la sortie de ce quatrième long-métrage, Soyez sympas, rembobinez, véritable tour de force tout en drôlerie et inventivité. Porté par un Jack Black époustouflant — dans le rôle d’un employé de vidéo-club qui s’efforce, avec un pote et un pauvre caméscope, de rejouer les scènes de cassettes démagnétisées, de Ghostbusters à Robocop en passant par 2001, l’odyssée de l’espace — le dernier délire-gigogne de Gondry est enfin raccord avec les courts-circuits qui éclairent son cerveau en surchauffe permanente. Champ des possibles ludique et intertextuel au pouvoir émotionnel patent, mise en abyme de la Gondry’s touch faite de bric et de broc, véritable déclaration d’amour au cinéma, déterritorialisation des enjeux du Septième Art de la cour des grands (d’Hollywood) à la cour de récré (d’un vidéo-club), Soyez sympas, rembobinez est tout ça à la fois, mais aussi et surtout le film le plus drôle que vous verrez cette année, rien de moins.
Henri Seard