Star Trek – (USA — 2h10) de J.J. Abrams avec Chris Pine, Eric Bana…
Initiales J.J
Soyons honnêtes : de ce onzième (!) volet de la franchise Star Trek, sorte de western spatial en pyjama né au mitan des années 60, nous n’attendions rien de spécial. Seule la présence au générique, en qualité de réalisateur et producteur, de J.J. Abrams nous garantissait de passer un long moment pas trop chiant — pour les profanes que nous sommes. Hélas, 130 minutes de téléportations et d’explosions après, le constat est aussi cruel que les oreilles de Spock sont pointues : l’univers trekkien inventé il y a plus de quarante ans par Gene Roddenberry est officiellement fatigant et, plus embêtant, inoffensif. Pour autant, à condition de l’appréhender de manière ludique, le Star Trek de J.J. Abrams n’est pas non plus une bouse intergalactique un accident industriel. En effet, si frontalement le film remplit comme il se doit le cahier des charges — j’en veux pour preuves les feulements extatiques de mes voisins geeks —, entre reboot (relecture de la genèse des héros) maligne et science-fiction bling-bling (TOUT scintille, des panoplies teletubbiennes de Kirk et consorts jusqu’au lumineux USS Enterprise), c’est dans la transversalité qu’il s’épanouit vraiment, en marge de ses propres enjeux fictionnels et commerciaux. Au point d’obtenir, ô miracle, un bel objet pop portant la griffe du papa de Lost, Alias et Cloverfield, entre un impressionnant big bang intertextuel et un amusant jeu de miroir cathodique. Où sont convoqués, d’un côté, l’immarcescible Leonard Nimoy (le Spock originel), les neiges éternelles de L’Empire contre-attaque, la sitcom anglaise Spaced de Simon Pegg ou le patriotisme sacrificiel d’Armaggedon. Et de l’autre, les acteurs, au sens propre comme au figuré, du renouveau du petit écran US qui n’en finit plus de phagocyter le grand. De la bombasse verte Gaila/Rachel Nichols, découverte dans Alias, à Spock/Zachary Quinto, l’increvable Silar de Heroes, en passant par Winona/Jennifer Morrison, souffre douleur du Dr House, Abrams, lui même élevé à la télé, semble nous indiquer qu’un déplacement s’est opéré à Hollywood et envisage la série télévisée comme un laboratoire avancé du storytelling contemporain. « Longue vie et prospérité », comme on dit chez les Vulcains, à J.J. Abrams…
Henri Seard