Stefanos Tsivopoulos – History Zero au MuCEM
Argent double
Les évènements socio-économiques tragiques qui secouent la Grèce depuis cinq ans servent de point de départ à l’exposition History Zero de Stefanos Tsivopoulos. Pour l’artiste, la crise peut, paradoxalement, constituer une opportunité. Celle de reconstruire une histoire, de réfléchir à des solutions alternatives.
L’origine financière de la crise grecque nous questionne sur la place de l’argent. Militant politique tout autant qu’artiste, Stefanos Tsivopoulos fait communiquer art et économie dans ses œuvres, comme les deux faces d’une même pièce.
Le premier espace aborde la question de front avec des exemples de monnaies alternatives, symboles d’une certaine forme de solidarité et preuve que le libéralisme n’est pas une fatalité. La deuxième partie de l’exposition montre trois fictions audiovisuelles, à parcourir dans une déambulation circulatoire, comme une évocation du passage de l’argent de mains en mains. La question de la valeur en est le fil conducteur. Elle semble forte dans le métal des objets collectés par un sans domicile fixe, comme les premières pièces de monnaie jusqu’à ce que le papier autorise des montants plus importants. Une fois considérés comme œuvres d’art, ces mêmes objets du quotidien acquièrent une valeur plus élevée encore. On n’est pas loin de l’urinoir de Duchamp… Et que dire du troisième film, dans lequel la mémoire défaillante d’une plasticienne âgée lui fait jeter un bouquet de fleurs en billets de banque sans que cela ne lui pose problème. En quelques minutes, quantité de réflexions s’entremêlent : l’âme de l’art ne serait-elle pas contradictoire avec toute valorisation financière ? Notre quotidien serait-il vraiment changé en évacuant la question de l’argent ? Sa valeur ne dépendrait-elle pas de son usage ? Quoi qu’il en soit, si la valeur est un concept relatif, notre reconnaissance envers l’artiste s’avère ici absolue.
Guillaume Arias
Stefanos Tsivopoulos – History Zero : jusqu’au 21/04/2015 au est MuCEM / Fort Saint Jean (Esplanade du j4, 2e).
Rens. 04 84 35 13 13 / www.mucem.org
Une monnaie alternative bien de chez nous
Contremarque de l’association Marseille 3013, le Gaston remplit les trois fonctions utilitaires d’une monnaie : unité de compte permettant d’exprimer les valeurs de biens et services différents en une unité commune, intermédiaire des échanges pour vendre ce que l’on veut acheter et vice versa, et réserve de valeur pour reporter à plus tard ses achats avec la monnaie conservée. Le Gaston est également une forme de langage social entre ses utilisateurs car ils ont confiance en son émetteur, comme dans le cas d’une monnaie traditionnelle. Ce qui différencie le Gaston d’une monnaie « complète », comme l’Euro ou le Dollar par exemple, c’est le fait qu’il n’alimente pas le circuit des paiements et revenus à l’échelle nationale, et encore moins à l’échelle internationale, qu’il n’est pas émis par une Banque centrale et n’est donc pas un instrument de politique monétaire, et qu’il n’a pas toutes les formes monétaires que l’on connaît (pièces, billets, lignes de compte bancaire). C’est donc la dimension locale et le fait que le Gaston soit une monnaie « partielle » qui explique la possibilité de son existence, son succès, et l’inutilité de ses contrefaçons. Et c’est tant mieux !
Guillaume Arias