STOP. Tout est bruit pour qui a peur par Diphtong Cie au Théâtre du Merlan
L’or noir
Avec STOP. Tout est bruit pour qui a peur, le metteur en scène Hubert Colas s’attaque à la peur, celle qui nous prend au ventre et à la tête, au cœur et au corps (social)…
Le cube est noir, monumental et mouvant. Cette boîte, oppressante, évoquant les méandres du cerveau de John Malkovich dans le film de Gondry comme le labyrinthique mémorial berlinois de l’Holocauste, va servir de terrain de jeu — souvent miné — aux comédiens de la Diphtong Cie.
Ils sont sept, parfois seuls, parfois en bande. Ils vont se menacer, s’aider aussi et, bien sûr, avoir peur. Ils vont surtout devoir se confronter à un texte qui ne relève pas de l’écriture théâtrale proprement dite. C’est là que réside toute la difficulté pour les interprètes — et en conséquence, pour les spectateurs. Hubert Colas signe en effet un texte intime, n’admettant aucune linéarité dans l’intrigue, mais qui se meut comme une couleuvre, à l’image de son sujet. D’autant que la direction des acteurs reste parfois trop marquée du sceau de son metteur en scène : on reconnaît les comédiens dans leurs façons de dire, on les retrouve comme des simulacres parents de ses précédentes créations (Chto, Le Livre d’Or de Jan, Face au Mur…).
Mais il y a la lumière. Noire, fantastique, plurielle, elle est admirable, créant de multiples angoisses, véritables cauchemars éveillés, mâtinés de douceur à certains moments. Elle est ce qui reste de cette pièce dématérialisée, où le temps peut être fait de ténèbres.
La peur est sur le plateau. Et elle y reste. Pas question de vous faire frissonner, mais d’en parler. Un parti pris sans doute déconcertant. Car on ne sait pas comment naît la peur, ni où elle se faufile. Ici, foin de règle d’unité — ni de temps, ni de lieu, ni d’action… Avec ce spectacle résolument contemporain, il faut aimer aller au théâtre non pour apprendre, mais pour se laisser décontenancer. Il faut aimer se perdre.
Texte : Joanna Selvidès
Photo : Herve Bellamy
STOP. Tout est bruit pour qui a peur par Diphtong Cie : du 10 au 16/02 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e). Rens. 04 91 11 19 20 / www.merlan.org