La mise en perspective des univers que donnent à entendre les compositions de Dominique Petigand sur CD prennent une ampleur bien plus trouble en live. Assister à un de ses concerts c’est comme dénuder ses intuitions dans le noir, comme se surprendre en train de se connaître. Une expérience à part… (lire la suite)
La mise en perspective des univers que donnent à entendre les compositions de Dominique Petigand sur CD prennent une ampleur bien plus trouble en live. Assister à un de ses concerts c’est comme dénuder ses intuitions dans le noir, comme se surprendre en train de se connaître. Une expérience à part…
La « lancinance » des sonorités de Petitgand et le mélange de ces phrases du quotidien qui se promènent tout au long de ses pièces musicales permettent de pénétrer des intimités qui ne nous appartiennent pas. Les étourdissements nés de ce croisement laissent une impression étrange et déconcertante. La voix de cet autre qui se raconte, si proche, représente une intrusion certaine en nous, mais une intrusion qui va nous permettre de comprendre combien ce qui est différent est si ressemblant. La part du silence vient agrandir cette sensation. Ce silence que la société moderne occidentale a rejeté avec véhémence, Petitgand, lui, le considère autant que la musique. Il sait à quel point ces interruptions construisent l’être humain, lui donnent une identité, un passeport pour supporter la multitude. Ces espaces sans bruit, moments de cessation d’existence et d’expérimentation d’une mort douce, prolongent cette idée de soi, de l’autre. Ici, l’autre n’est pas un enfer, il est une influence abstraite que le « je » concrétise sans peine. La dépossession de son corps, soudain lourd de ce qu’il transporte, la parole qui rappelle que le monde n’est pas loin et l’envie (la volonté ?) de s’éloigner de la civilisation sont autant de contradictions — que l’on touche réellement du doigt par la magie d’une proximité résonnante intacte — qui nous étreignent le temps d’une écoute ou d’un concert. Paradoxe de celui qui veut voir ce qu’il y a quelque part, autour de lui, et qui ne sait comment s’en rapprocher — qui en a peur sans doute… Paradoxe d’un monde qui croit en des symboles avant de croire en lui-même. Dominique Petitgand nettoie la place de ses effigies et de ses emblèmes pour nous inscrire dans une matérialité sensible et mentale. Ce qui n’était pas nous le devient et inversement. La sortie est délicate, fine, pâle. Le jour qui reparaît, blanc, épais, est une promesse flottante. Les sons de cet assemblage mécanique et dantesque qu’est l’extérieur font reculer tout d’abord. Puis l’on se dit que ce que l’on a entendu vient de ce même extérieur. Et si l’autre y est, c’est que j’y suis aussi…
Lionel Vicari
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