Sur le quai par la Cie L'Egrégore au Mini-Théâtre du Panier

Pessoa avec lui

 

Trente ans après sa première confrontation avec l’Ode maritime de Fernando Pessoa, Ivan Romeuf revient Sur le quai au Mini-Théâtre du Panier pour reprendre la mesure de l’impuissance et du désespoir humain. Récit poétique d’un naufrage intérieur.

L’obscurité règne avant que ne s’avance, en mineur des abîmes et de l’âme, Ivan Romeuf. Sur les murs et le sol, des mots tracés d’une belle écriture, comme jetés à la mer. A cela près que l’expéditeur est sur le quai, sur une terre ferme. C’est pourtant lui, le terrien qui ne s’est jamais lancé à l’eau, le naufragé. Il est face à ce large, l’embouchure du Tage, et ce large est un révélateur de son impuissance et de sa rêverie, de sa divagation lucide — l’angoisse est-elle autre chose que de la lucidité ? — et poétique. A chaque douloureuse prise de conscience, à chaque désir inaccessible, une violence répond. Qu’il se voie tel qu’en lui-même, qu’il s’imagine en bourreau des océans, en victime, en élément ou en matière, qu’il s’imagine enfin en Dieu même, il est rattrapé par le vide et l’absurde. Jean-Jacques Lion accompagne ces divagations au saxophone ; il semble être dans les notes de Romeuf, entre agitation océane et voix intérieure, vacarme des éléments et conscience du calme qui revient. C’est d’ailleurs dans le calme que s’achèvent le poème et la traversée. Même si, pour une fois, ce n’est pas l’homme qui a traversé l’océan, mais l’océan qui a traversé l’homme.

Frédéric Marty

 

Sur le quai par la Cie L’Egrégore était présenté du 22/01 au 2/02 au Mini-Théâtre du Panier (programmation : Théâtre de Lenche)