Susanne Strassmann – Un film (A movie) au [mac]
La vie des autres
Marseillaise d’adoption, l’artiste Susanne Strassmann est partie à la rencontre de ces « gueules » qui font Marseille et les expose au [mac] dans le cadre de l’exposition Le Pont. Rencontre avec cette peintre atypique qui capture, d’un coup de pinceau, toute la richesse d’une ville.
Le regard vif et un joli sourire qui la quitte rarement, Susanne Strassmann parle avec plaisir de ce projet qui l’a menée aux quatre coins de la ville. De son Allemagne natale, elle a conservé un léger accent et une passion pour la peinture, une véritable histoire d’amour commencée à l’âge de treize ans. « J’ai toujours aimé peindre des portraits. Je me suis arrêtée pendant un moment parce que peindre était devenu out et que je ne pouvais pas en vivre. » C’est en posant ses bagages à Marseille, bien des années plus tard, qu’elle ressort ses pinceaux et part à la conquête de la ville. « J’avais des a priori avant d’arriver ici, mais les gens m’ont surprise. L’accueil a été incroyable. » Les Marseillais, justement, deviennent ses sujets de prédilection. Elle s’étonne de la diversité des personnalités qu’elle rencontre. « J’avais déjà essayé d’aller vers des inconnus dans la rue pour les peindre quand j’étais à Grenoble, mais les gens ne se laissaient pas approcher facilement alors qu’ici, c’est plus simple, plus convivial. » Avouant un petit côté voyeur, Susanne Strassmann trouve dans Marseille et ses habitants une matière première particulièrement riche. Après avoir arpenté le quartier Longchamp, elle continue son introspection au cœur des bars, mais pas n’importe lesquels. « Je ne voulais pas des bars à touristes, je voulais des bars typiques de Marseille. » L’expérience est un succès, les modèles ne manquent pas et les commentaires valent le détour. « Je me suis rendu compte qu’il y avait vraiment un rapport faussé avec l’image ; les gens n’ont plus l’habitude de voir des peintures. Je me souviens qu’autour de moi, les clients des bars appelaient ça une photo et qu’ils trouvaient que ça rendait bien mieux qu’avec un appareil. » Pour rendre compte avec justesse de toutes ces personnalités, Susanne Strassmann les encourage à parler d’eux et transforme l’exercice artistique en quelque chose de plus intime. « A chaque fois que j’allais dans un nouveau bar, j’avais le trac, je voulais que mon travail plaise à ceux qui me donnaient de leur temps et pour bien peindre, j’avais besoin de les connaître, d’établir un lien avec eux. » Pour conserver ces propos, elle fait appel à Eric Maillet, artiste parisien, qui crée une véritable bande-son pour accompagner l’exposition. En parfaite cohérence avec la thématique de l’exposition Le Pont, le travail de Susanne Strassmann trouve une juste place au bar du [mac]. « Les personnes qui m’ont servi de modèles étaient fières de savoir qu’elles allaient être exposées dans un musée et fières aussi, je crois, que l’on s’intéresse à elles, à leurs vies. Il ne faut pas oublier qu’à une époque, les portraits étaient réservés aux personnes aisées. Avec ce projet, je prends le contre-pied, je n’ai pas fait de distinction sociale. Ce projet est comme Marseille : hétéroclite. »
Maintenant qu’elle a apprivoisé Marseille, Susanne Strassmann se verrait bien retenter l’expérience dans d’autres villes pour voir si l’accueil est le même qu’ici. « Marseille est une ville où l’on ressent la vie, où l’histoire elle-même est palpable. Je crois que cela a beaucoup joué pour mon projet et mon implication. J’ai envie d’aller confronter cette impression à d’autre villes et d’autres habitants. »
Aileen Orain