Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street – (USA – 1h55) de Tim Burton avec Johnny Depp, Helena Bonham-Carter…
Lame en peine
Il est des réalisateurs, à la trajectoire filmique erratique et déliquescente, que l’on continue de suivre, affection oblige, malgré une constance dans la médiocrité, compassion oblige, qui force — plus du tout — le respect. Ainsi de Tim Burton qui, via son dernier opus cinglant et saoulant, n’en finit plus de décevoir le fan de la première époque : celle du pop Pee Wee, du délirant Beetlejuice, du sombre Batman, le défi, et des bouleversants chefs d’œuvre que sont Edward aux mains d’argents et Ed Wood — considéré comme « le plus mauvais cinéaste de l’histoire du cinéma. » L’âge d’or derrière lui, Burton a entamé depuis 2000 et sa relecture inconséquente de La planète des singes une nouvelle période, celle de l’âge « dors », où il faut désormais s’accrocher, au choix, à son fauteuil, sa chérie ou son voisin, pour ne pas bailler, s’assoupir, rêvasser ou ronfler — attendu que le cauchemar est sur l’écran. Jamais à court de circonstances atténuantes, on avait mis l’inoffensif Big Fish, le diabétique Charlie et la chocolaterie ou l’ennuyeux Noces funèbres, succédané du merveilleux L’étrange noël de Mr Jack, sur le compte d’une paternité tardive et ramollissante. Las, ce n’est pas avec Sweeney Todd qu’on se réconciliera avec le sieur, tant son barbier sanglant et vengeur est définitivement rasoir. Quelque part entre le déjà bancal Sleepy hollow, pour le barnum gothico-burtonien, et Phantom of the paradise de De Palma, pour les parties chantées, le treizième long métrage du papa de Frankenweenie est une tragédie musicale prévisible, vaine et d’un mauvais goût prégnant. Quant à Johnny Depp, désormais en roue libre dans l’intertextualité burtonnienne, il est tout simplement pénible en barbier démoniaque clone d’André Rieu croisé avec Stripe, le méchant Gremlins. Plus de dix ans après son dernier grand film, il n’est pas interdit de penser que Burton vient de rejoindre son maître à filmer avec des moufles, Ed Wood, en devenant à son tour « le plus mauvais cinéaste de l’histoire du cinéma » — du XXIe siècle, maigre prix de consolation.
Henri Seard