Tapage Nocturne - Ricardo Villalobos vs James Holden

Tapage Nocturne – Ricardo Villalobos vs James Holden

Cette semaine, il aurait été criminel de faire un choix : deux des meilleurs, deux des plus pointus, deux des plus singuliers représentants de la scène techno jouent ce week-end dans les parages…

Cette semaine, il aurait été criminel de faire un choix : deux des meilleurs, deux des plus pointus, deux des plus singuliers représentants de la scène techno jouent ce week-end dans les parages. En outre, ils ne mixent pas le même soir, ce qui en poussera sans doute certains à casser leur tirelire malgré le fossé qui sépare les deux propositions artistiques en présence. Car avant même d’incarner le saisissant contraste entre deux écoles, deux courants de la techno, le match Villalobos vs Holden cristallise celui que se livrent à leur façon les deux clubs qui les accueillent : le « 88 » et le « Spart ». Ancienne boîte de seconde zone reconvertie en superclub par le biais du producteur Grosso Modo, le Studio 88 a construit sa réputation sur son line-up, alignant avec une régularité déconcertante les plus grosses pointures de la techno, de l’electro et de la house. Pour fêter ses deux ans de programmation, il s’est donc offert Ricardo Villalobos, la superstar que tout le monde s’arrache depuis que Richie Hawtin, sa majesté suprême, l’a pris sous son aile. Et Villalobos au 88, c’est un peu la garantie de faire carton plein : aujourd’hui, la quasi-totalité des clubbers connaît le Chilien… connaît ? Là réside le grand paradoxe du bonhomme : son énorme succès public est à des années-lumière de sa démarche artistique pour le moins élitiste. En clair : qui a écouté, et surtout, qui a pu apprécier ces morceaux très complexes de douze minutes en moyenne (ne parlons même pas du « maxi » sorti récemment sur Playhouse : deux faces de plus d’une demi-heure chacune), ces dj-mixes construits sur d’infimes variations, déroulant toute leur magie sur de longues heures (passées sous MDMA) ? Beaucoup de monde, on n’en doute pas, mais beaucoup moins que l’on croit. Ricardo Villalobos est un magicien dont les tours de passe-passe ne sont, ne peuvent être appréhendés par le commun des mortels, un artiste exigeant qui a su mettre sa folie au service d’une vision, d’une démarche. La question reste donc entière : Villalobos doit-il, comme tout bon Dj qui se respecte, se mettre au service de son public ? James Holden n’a sans doute pas ce type de problème : depuis son cultissime remix de Nathan Fake, son public vient le voir pour écouter le « style » Border (Community – son label), qui emprunte beaucoup à la trance tout en puisant dans le meilleur de l’electro dite « minimale ». Une autre école, plus accessible car plus pop (au sens noble du terme) dans ses influences, qui fédère un large auditoire autour de productions évanescentes mais tout aussi perchées (les hits de Petter et Extrawelt, tous présents samedi soir pour cette soirée autour du label). Lors de son dernier passage au Spart, Holden avait tout retourné, au fil d’un set d’une rare finesse qui enchaînait les accélérations – finalement très physique. Depuis, l’Anglais a offert une résidence au Spart, conquis comme beaucoup par la qualité de son sound-system et, surtout, de son ambiance. Là, en observant le flux et le reflux de cette petite marée humaine, expulsant sa salive comme autant d’écume en direction de la cabine, on se dit parfois que son hôte baise, littéralement, avec ses clients d’un soir. C’est pas donné à tout le monde.

PLX

Ricardo Villalobos, le 4 au Studio 88 (Aix-en-Pce), 23h James Holden, le 5 au Spartacus (Plan-de-Campagne) avec Extrawelt (live) et Petter, minuit